Alexandre Jardin – Toutes les vérités sont bonnes à écrire.

25.09 – Le Telegraphe, Toulon 

Dire la vérité. Dire sa vérité. Se confronter à tous ceux qui ont grandi avec un mensonge dont vous êtes l’auteur. C’est le pavé que le romancier Alexandre Jardin jette dans la marre.  Avec son dernier livre Le Roman vrai d’Alexandre, l’écrivain parle de son affabulation comme le récit d’un naufrage qui a pourtant été une bouée de survie. Un livre poignant, un témoignage qui nous renvoie simplement à nos propres mensonges.

 

Ce livre est un véritable coup de poing dans votre fourmilière. On comprend qu’il était nécessaire mais à quel point l’était-il ?  

Il n’y avait pas d’hésitation possible. C’était impossible de pas ne pas l’écrire un jour.

 

Impossible signifie vital ?

Oui. Il fallait que tout un système de vie s’arrête… Et que tout un système littéraire s’arrête. Et en même temps j’avais besoin d’écrire un livre qui donnait un véritable sens à tout ce que j’avais déjà écrit. Ce seul livre-là change radicalement la lecture de tout ce que j’ai publié jusqu’à présent. Avec ce livre j’ai couru un énorme risque.

 

La littérature et le risque aujourd’hui, pour vous, passent forcément par la vérité ? 

Ça reste le risque le plus fort, car nous sommes toujours dans un système d’autodéfense. Nous cherchons tout ce qui nous protège dans la vie. D’où le phénomène qui est en train de se passer autour de ce livre. Il a un effet miroir qui renvoie quasiment tous les lecteurs à leur vérité. Participent-ils au monde ? Habitent-ils le monde ? Ne font-ils que l’effleurer ? Je n’ai jamais, de ma vie, reçu autant de messages et ce tous les jours. Ce livre renvoie à la possibilité d’être réel dans leur vie, ce qui est le véritable sujet du livre. Le sujet apparent, c’est moi, mais ce n’est pas le vrai sujet. Ce qui fait qu’un livre a de la substance, c’est lorsque l’intrigue est au service d’un sujet.

 

Qu’est ce qui se passe lorsque l’on découvre la possibilité d’aller vers la vérité ?

C’est une renaissance. Nous retrouvons notre puissance. Lorsque l’on est écrivain, on retrouve son style véritable. J’ai le sentiment que c’est véritablement moi qui ai écrit ce livre, d’où une langue particulière, une urgence… Mais ça c’est parce que je suis écrivain. Chacun aura une renaissance différente.

 

L’affabulation est une réelle souffrance et votre maman vous dit, lors d’une conversation, que « le mensonge est une addiction délicieuse » ça sous-entend qu’elle n’entendait pas votre souffrance ? 

Bien sûr, puisqu’elle en est une des causes. Et en même temps, le principe de ce livre c’est de faire confiance à la personne qui va vous lire. Pour écrire un livre pareil, vous êtes obligé de penser que l’autre peut quand même comprendre puisque l’on dit des choses que nous ne disons pas normalement. En renonçant à son personnage public et factice, on se fait confiance, d’où le retour de confiance. Pour autant, huit jours avant la sortie du livre j’ai eu la trouille de ma vie car je ne savais pas si je n’allais pas tout perdre. C’est un acte qui n’existe pas et d’ailleurs ce livre n’existe pas… les gens ne s’attaquent pas à eux-mêmes.

 

En même temps sans cette souffrance le romancier que vous êtes, les romans que vous avez écrits et qui ont tant rencontré leur public n’auraient pas existé ? Ce personnage si destructeur a eu aussi sa fonction positive ? 

Ce sont des romans compensatoires et qui ont compensé exactement la même chose dans la vie des lecteurs. L’immense chagrin de ces êtres face à leur vie amoureuse, ils l’ont soigné en lisant mes livres. Je ne renie absolument pas ces livres. Comme tous livres, ils créent leur propre réalité. Ce sont des livres qui ne m’appartiennent plus.

 

Florent Lamiaux 

 

Site Officiel d’Alexandre Jardin