Anne Mirou ET Alexis roy – Redonner de la voix à Charlot.

Hors-Série – Les Voix Animées

Les Voix Animées ont chargé leurs complices Anne Mirou et Alexis Roy de choisir et d’arranger les chansons de leur nouveau ciné-concert. Entre transcriptions fidèles et clins d’œil musicaux audacieux, ils nous racontent leurs approches et les défis rencontrés pour donner vie à ces films muets avec la richesse du chant.

Pouvez-vous présenter votre travail ?

Anne : Je suis transcriptrice et compositrice, et j’enseigne également le piano. Je travaille avec Les Voix Animées depuis treize ans, principalement en réalisant des transcriptions de chansons pour eux, mais j’ai aussi participé au cycle de concerts « Entre pierres et mer » en composant des œuvres originales.
Alexis : Je suis directeur adjoint du Conservatoire à Rayonnement Régional d’Aubervilliers, arrangeur, chef d’orchestre et orchestrateur. Avec Les Voix Animées, j’ai travaillé sur le précédent ciné-concert, réalisé un « medley Offenbach », un arrangement de « Déshabillez-moi » et de « L’Enfant au Tambour ».

Qu’avez-vous pensé du film sur lequel vous travaillez ?

Anne : Au début, j’ai été déconcertée par ce film de la Mutual (« Charlot et le Comte »), n’étant pas habituée à ce format. Son charme désuet et l’humour clownesque de Charlot m’ont toutefois séduite. J’ai dû le visionner plusieurs fois pour comprendre son rythme basé sur des gags enchaînés plutôt qu’un scénario structuré. Finalement, de nombreuses idées musicales ont émergé.
Alexis : Ce film (« Charlot émigrant ») m’a ému par son aspect autobiographique et sa mise en scène soignée. Il illustre l’arrivée de Chaplin aux États-Unis et sa romance avec Edna Purviance avec une grande maîtrise technique et une forte charge émotionnelle. Il mêle humour, performances physiques impressionnantes et critique sociale sur l’immigration.

Comment avez-vous abordé ce travail, et quelles chansons avez-vous choisies ?
Alexis : J’ai imaginé Les Voix Animées comme un chœur grec, commentant l’histoire en musique, soulignant le sérieux, la blague ou le désespoir. Le travail de mise en abyme m’a beaucoup inspiré : des chanteurs déguisés en Charlot commentent un film de Charlot, qui lui-même joue avec la musique et l’ambiance. J’ai choisi des musiques populaires immédiatement reconnaissables. Pour une scène de jeu d’argent, « Money, Money » d’ABBA ; pour la boxe, la musique de « Rocky » ; pour une bagarre, « Le Sacre du Printemps ». Adapter ces morceaux pour quatre voix était un vrai défi technique. Je me suis aussi amusé à intégrer des références plus légères : « Je préfère manger à la cantine » de Carlos pour une scène de repas, « Z’avez pas vu Mirza ? » de Nino Ferrer, et « Chapi Chapo » de François de Roubaix lorsque Charlot pose son chapeau. J’ai aussi superposé des musiques sérieuses à des paroles fantaisistes, comme du Schubert avec un texte d’opéra humoristique. Ce projet est une exploration de cinq-cents ans d’histoire musicale mêlant classique, pop, variété et musique électronique.
Anne : J’ai pris des notes, séquencé le film en scènes et cherché des musiques qui en souligneraient le ton. Adapter des partitions orchestrales à un quatuor vocal représentait un défi, nécessitant des réductions fidèles à l’original. Pour le générique, j’ai choisi une musique de Chaplin lui-même afin de lui rendre hommage. Un personnage colérique m’a inspiré « Carmina Burana ». Charlot tailleur m’a évoqué « L’Apprenti Sorcier ». Pour les scènes de danse, j’ai alterné valse (Tchaïkovski, Strauss) et ragtime (Scott Joplin, Debussy). Une scène dans une cuisine m’a poussée à intégrer « Cantina Band » de Star Wars, tandis qu’un moment de complot m’a rappelé « Le Clan des Siciliens » de Morricone. Enfin, une scène de repas met en contraste une musique baroque raffinée avec la façon de manger dégoûtante des personnages.

Fabrice Lo Piccolo

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