Axel Kahn, Les « Chemins » de la pensée
08.02 – Paroles d’auteur – Théâtre Jules Vernes – Bandol
Axel Kahn est médecin généticien, écrivain, et a été président de l’université Paris Descartes. Il s’est particulièrement intéressé aux questions d’éthique et de morale. C’est aussi un marcheur. Plusieurs de ces ouvrages sont nés de ses traversées de notre territoire, dont son autobiographie « Chemins » dont il nous parlera au Théâtre Jules Verne.
Votre dernier livre Chemins, que vous présenterez à Bandol est une autobiographie…
Oui. Toute ma vie j’ai marché. J’ai parcouru 100 000 kms dans ma vie. Ce livre est sur mon expérience, ma vision d’un homme qui a toujours été en chemin. A travers cette expérience, je me suis posé des questions sur les chemins indispensables : la foi, la spiritualité, l’amour, le sublime, la politique, la situation d’une Afrique qui n’existe plus, l’amour-passion, le vieillissement du corps. Je suis un homme actif, en dehors de mon amour pour la nature et pour la marche. Je suis né et ai été élevé dans la campagne profonde. Quand je suis allé à Paris, j’ai eu l’impression d’être victime d’un kidnapping brutal, et j’ai cherché toute ma vie les chemins d’un paradis terrestre, de manière affective notamment. Je l’ai trouvé plusieurs fois, ai été plusieurs fois heureux. Pour moi, l’activité de marche est nécessaire. Je pense en marchant, et non assis. Plus généralement, cela m’est nécessaire pour vivre, j’ai un rapport filial avec la nature, et la marche est le moyen privilégié de la rejoindre la nature. Je me compare au géant Antée de la mythologie grecque, fils de Gaïa (déesse de la Terre ndlr). Lorsqu’il s’allongeait, sa mère, la Terre, lui redonnait des forces. Je n’aurais pas pu vivre sans m’allonger sur terre.
Il vous est aujourd’hui difficile de retrouver ces moments de nature ?
Même pendant mes moments de grande activité, je continue à marcher. A Paris, je fais tout à pied, et quand je peux je m’évade et continue de le faire. Je vis toujours à Paris. Niveau activité, c’est difficile de vivre en Province, je suis président de tout plein de trucs, ma vie est à Paris… Mais dès que je peux, j’en sors, et je ne la supporte que parce que j’en sors.
Dans vos vœux de nouvelle année sur votre blog, vous abordez longuement le mouvement social des « gilets jaunes »…
Le mouvement est né dans des territoires que j’ai arpentés à pied. J’ai décrit des populations qui étaient arrivées à faire sécession de tout discours gestionnaire raisonnable. Ils pensaient que c’était porteur d’un avenir néfaste. Ce mouvement vient de petites villes avec un taux de chômage important, où plus de la moitié des personnes vivent des minima sociaux. Depuis leur naissance, ces personnes n’ont connu qu’une longue descente progressive. Une autre partie du mouvement vient de nantis, de régions telles la Champagne, la Gironde, la Bourgogne, de propriétaires terriens qui ont peur de perdre leur fortune, et de ruraux qui regrettent un passé un révolu où les agriculteurs étaient prospères. Nous avons donc une triple sécession : rurale, des déshérités, et des nantis. Et la politique de l’Extrême Droite qui prône un retour au passé, résonne chez ces gens-là. Certaines erreurs manifestes des gouvernements ont provoqué l’explosion. A l’époque, j’avais été voir Hollande pour le prévenir de l’instabilité de la situation. Là la caractéristique nouvelle est cet ancrage à l’Extrême Droite. Historiquement, les mouvements sociaux partaient de gauche. Nous n’avons pas vu de mouvements sociaux ancrés fortement à l’Extrême Droite depuis les années 30. Un phénomène dont Macron pourrait bénéficier est l’effondrement du parti Les Républicains, dont une partie de l’électorat pourrait lui revenir. Mais nous sommes dans une situation difficile, dans une période économique difficile pour notre pays.
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