Bartabas – Zingaro

Du 19.11 au 15.12 – Plages du Mourillon, Toulon.

 

Il est rare que Bartabas, avec son Théâtre Equestre Zingaro, élise une nouvelle ville pour montrer ses spectacles. Non seulement, grâce aux équipes du Liberté Châteauvallon Scène Nationale, il a décidé de dresser ses chapiteaux à Toulon pendant un mois ; mais il le fait avec un spectacle hors du commun, hommage ultime au plus fidèle et plus ancien compagnon de l’être humain à travers les âges.

 

Zingaro… Tsigane, en italien. C’est aussi le nom du cheval, un frison, emblématique de la troupe. Celui de Bartabas. Bartabas est écuyer, scénographe, metteur en scène… Il a inventé un genre, en 1984, en créant le Théâtre Equestre Zingaro. Ses spectacles, inclassables, allient art équestre, musique, danse, théâtre… Mais surtout et avant tout esthétisme et onirisme. Aujourd’hui sa troupe comporte quatre-vingt membres : quarante chevaux, quarante humains, sur un pied d’égalité. Il est également le fondateur, en 2003, de l’Académie équestre nationale du domaine de Versailles, où il allie le dressage de haute école à d’autres arts et disciplines : de la danse au Kyudo (tir à l’arc japonais). Son dernier spectacle Ex Anima est son hommage personnel à ses compagnons de toujours. Il les présente, sans cavalier, aux sons de flûtes qui crée un rituel tribal imaginaire, les laissant libres de leurs mouvements, guidés par des hommes en noirs, quasi-invisibles. « Sa création ultime », selon son créateur.

Pourquoi ce choix de montrer les chevaux seuls, et pourquoi maintenant ?

Après trente-cinq, la question centrale est devenue : comment pourrait-on rendre hommage à nos chevaux, les célébrer ? Nous avons décidé de nous mettre en retrait, comme des marionnettistes de Bunraku en quelque sorte (théâtre de marionnettes japonais ndlr). Il y a des montreurs, à pied, en costume sombre, qui laissent faire le cheval, qui devient alors l’acteur principal du spectacle.

Comment voyez-vous évoluer le jeu des chevaux de représentation en représentation ?

A Toulon, ce seront les dernières représentations de ce spectacle. Pour moi, c’est toujours un miracle. Ces chevaux sont nos partenaires, mais ils ne savent pas pourquoi ils font cela. Nous devons donc protéger leur motivation. Nous avons fait plus de deux cent représentations. Au départ, je me demandais si dans le temps les chevaux continueraient à faire ce que l’on voulait voir. En réalité, ce qu’ils faisaient par instinct au départ, aujourd’hui, ils le font par jeu. Les tableaux font appel au naturel du cheval, mais au bout d’un certain nombre de spectacles, ils ont compris qu’ils rentraient sur scène pour jouer ces tableaux-là. Le cheval sait donc qu’il a un rôle à jouer, ce rôle qu’il a lui-même proposé au départ, tout comme des acteurs humains… La qualité de son jeu varie selon les soirs, selon sa forme. L’interprétation est différente mais c’est toujours fascinant. Chaque représentation est unique. Un soir un cheval peut avoir une fulgurance, une attitude, une expression, ou quelque chose qui rend la représentation plus f ragile. C’est le génie de ressentir l’unicité.

Pourquoi ce choix de la flute comme instrument quasi-unique ?

La flute est l’instrument de musique originel, le plus ancien de l’humanité. Notre idée était donc de créer une sorte de musique rituelle, sans que l’on puisse l’associer à une civilisation en particulier. Nous avons fait appel à des solistes de différentes provenances : un maitre de flute chinoise, une de flute japonaise, un autre de flute irlandaises, indiennes… Nous créons ainsi un rituel imaginaire, mais ancestral. « Ex anima », peut aussi se traduire comme « souffle de l’âme ». Il était donc logique de faire appel à un instrument soufflé. Ce titre a une résonnance particulière : la sonorité est proche de « Ex animal »… Et c’est ainsi que l’on imagine les chevaux dans ce spectacle : ils ne sont plus animaux. Je n’imaginais pas au départ ce rapport particulier où le spectateur se trouve à observer des chevaux, à la façon d’êtres humains, et que cela le renvoie à lui-même. Les tableaux ont une signification, le cheval s’exprime, et nous parle de notre humanité. Ce jeu de miroirs est très intéressant.

Il est rare que Zingaro choisisse une nouvelle ville, qu’est-ce qui vous a fait choisir Toulon ?

Cela démarre toujours par une rencontre. Là, c’est avec Charles Berling. Le courant est passé, et nous avons accepté son invitation. J’étais venu à Châteauvallon, il y a quelques années, avec « Golgota » , pièce où j’étais le seul interprète avec le danseur de flamenco Andrés Marin. Qu’est-ce qui vous fascine dans le cheval ? Il faudrait demander à un psychanalyste. J’y réponds en partie dans un livre que je suis en train d’écrire, où je raconte tous mes chevaux. C’est une façon de parler de moi à travers eux. Je vous donne en exclusivité la date de sortie : début février chez Gallimard.

Que peut-on faire après ce spectacle, que vous qualifiez d’ultime ?

C’est un pied de nez. Ultime, cela peut être le dernier en date. Il est vrai qu’après cela, il est difficile de revenir à des galipettes. Je réfléchis donc à une autre manière de produire. Peut-être des spectacles moins lourds, en collaboration avec l’Académie. Là je travaille sur l’adaptation d’un spectacle autour du Sacre du Printemps que j’avais fait en 2000 avec Zingaro. Nous tournerons avec le chapiteau de Zingaro, et les cavaliers de l’Académie de Versailles et du théâtre Zingaro.