Bertrand Causse – Complètement sifflet

26.01 – Théâtre Jules Verne – Bandol

Il joue de l’alto, est chef d’orchestre, et également vice-champion du monde de sifflet 2018 ! Il a su exploiter sa formation de musicien professionnel pour développer cette discipline peu commune. Il sera sur la scène du théâtre Jules Verne de Bandol en janvier, accompagné au piano par Christine Chareyron pour un concert caritatif exceptionnel.

Nous savons tous siffler, plus ou moins bien. Qu’estce qui vous a donné envie d’élever cette discipline au rang d’art ?

J’ai commencé à siffler grâce à mon père qui était mélomane averti ainsi que musicien amateur. Dès qu’il était détendu il sifflait des mélodies de musique classique, genre musical qui le passionnait. Il avait une collection d’environ deux mille disques vinyles : des concertos, des morceaux de violons, etc. Il sifflait merveilleusement bien, avec du vibrato, des notes aigues. On aurait dit un véritable instrument. Je l’admirais beaucoup, et tout naturellement, je l’imitais.

Quand avez-vous compris que vous étiez doué ?

Je suis devenu par la suite musicien professionnel : altiste et chef d’orchestre. A l’époque je dirigeais un ensemble musical composé d’un quatuor à cordes et d’un chanteur de cabaret. En pleine répétition, j’ai sifflé la partie du premier violon en le conseillant sur sa manière de jouer. Il était très étonné et m’a dit : « c’est incroyable ». Les musiciens m’ont demandé de le refaire lors d’autres répétitions, c’est devenu une sorte de private joke. Le chanteur, compositeur autodidacte, sur les conseils du metteur en scène, m’a alors composé une pièce à siffler. Pendant ce spectacle, nous avions chacun des solos, et pendant le mien, je sifflais. Le public n’en revenait pas, il pensait que j’avais un instrument en bouche. Les années ont passé. Avec un autre groupe, nous étions en tournée à Belgrade. A la fin du spectacle, nous avons fait un rappel, la salle était remplie, et j’ai sifflé une partie de « Carmen » de Bizet, accompagné par les instruments à cordes. J’ai eu un tonnerre d’applaudissements.

Votre formation de musicien professionnel vous aide-t-elle ?

Cela m’aide énormément car je sais ce que je veux musicalement. Je mets le sifflet au service d’une idée musicale, c’est intéressant. C’est un instrument qui est très populaire : chacun l’a en lui mais personne ne sait qu’il peut être un instrument à part entière, que l’on peut jouer des grandes oeuvres populaires sans avoir étudié au Conservatoire ou appris le violon, le hautbois ou le solfège. Quand on siffle, on ne se pose pas ces questions-là. Mais pour moi, c’est mon métier, et ça fonctionne. Nous avons bien réussi à faire de l’art avec un violon, pourquoi pas en sifflant. C’est un peu le cousin de la voix. Tout le monde est stupéfait quand on entend quelqu’un chanter merveilleusement bien, mais il y a beaucoup de travail derrière. Nous avons tous un corps, une voix et que ce soit pour les athlètes, les chanteurs, les musiciens ou les acteurs, il suffit de travailler pour exploiter sa discipline.

Pendant le spectacle, vous avez un jeu de scène, des expressions, des regards, qui amènent une certaine dose de folie…

Tout dépend des oeuvres et de ce qu’elles représentent. Prenons l’exemple de « La reine de la nuit » de Mozart. Dans le film de Milos Forman « Amadeus » c’est la bellemère de Mozart qui l’inspire, avec ses remontrances, son caractère difficile. Cela provoque en lui une illumination et il écrit l’opéra. Quand je joue ce morceau sur scène, j’imagine cette belle-mère, complètement autoritaire, et je l’incarne, de façon naturelle.