Cantus Firmus – Flamboyances contrapuntiques francoflamandes du XVe siècle.

>>Le 9 août à la Chapelle du Miracle à Avignon, le 10 août à l’Abbaye du Thoronet et le 11 août à l’église Saint-Jean à La Valette-du-Var.

Le premier programme de concert du cycle « Entre pierres et mer » #13 nous emmène à Cambrai au milieu du XVe siècle, à la rencontre de trois grandes figures de l’école franco-flamande. Guillaume Dufay, Jean de Ockeghem et Josquin des Prés sont, sur trois générations, les compositeurs majeurs des débuts de la Renaissance.

Au milieu du XVe siècle, alors que la Renaissance s’épanouit dans les cours italiennes, en Flandre bourguignonne, des chantres-compositeurs développent un art nouveau fait de flamboyances contrapuntiques et, donnent naissance à un style musical qui se répandra dans toute l’Europe. En utilisant une chanson très célèbre à la fin du Moyen Âge, « L’Homme Armé », Guillaume Dufay met en musique l’ordinaire de la messe (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus & Benedictus, Agnus Dei). La mélodie, dont l’origine est sujette à caution, sert de teneur, de « cantus firmus » à cette messe. Ce n’est pas ici une mélodie grégorienne qui organise l’œuvre sacrée mais une chanson profane au thème guerrier. Guillaume Dufay ouvre ainsi la voie à d’autres compositions qui utiliseront la même chanson, plus d’une cinquantaine connues, entre le milieu du XVe siècle et le XVIIe siècle, dont celles de Jean de Ockeghem et de Josquin des Prés. « L’homme armé doibt on douter, On a fait partout crier que chascun se viengne armer d’un haubregon de fer… » Dans le royaume de France qui sort de la guerre de Cent Ans, l’esprit belliqueux est encore très présent. Les menaces sont multiples notamment sur le flanc est occupé par le duché de Bourgogne qui s’étend de Mâcon aux rivages de la mer du Nord. Avec trois capitales, Dijon, Bruxelles et Lille, plaques tournantes du commerce nord-sud, ce voisin est riche et puissant. Son influence est autant politique que culturelle, la Renaissance y trouve un terreau favorable. Les cathédrales du nord sont alors réputées pour la qualité de leurs chantres et maîtres de chapelles. Au service du duc de Bourgogne, Guillaume Dufay s’empare de ce thème guerrier dont la mélodie est très en vogue à l’époque et, en s’appuyant sur des intervalles forts, développe un riche contrepoint. Le génie de Guillaume Dufay s’exprime tout particulièrement à deux moments clefs du texte de la messe. Le premier, dans le « Credo » où Dufay par l’utilisation d’une gestion rythmique très surprenante, nimbe d’une atmosphère suspendue le mystère de l’Immaculée Conception… « Genitum non factum consubstantialem Patris per quem omnia facta sunt. » (Engendré, non pas créé, de même nature que le Père et par lui tout a été fait.). Le deuxième moment remarquable est dans le dernier « Agnus Dei » où il décline le cantus firmus à rebours, terminant ainsi l’œuvre. Les pièces complétant le programme se présentent chacune sous une forme spécifique. C’est par un motet marial processionnel d’Arnold de Lantins que débute le concert. Jean de Ockeghem, maître respecté de Pierre de la Rue et de Josquin des Prés, exprime à son tour une profonde dévotion mariale dans le motet « Intemerata Dei Mater » au contrepoint subtil et suspendu. « Absalon fili mi » de Pierre de La Rue est une touchante et dépouillée version de la lamentation de David sur la mort de son fils Absalon. « Gaude prole regia » de Loyset Compère est une pièce de circonstance composée pour la visite à Paris de Philippe le Beau comte de Flandre et duc de Bourgogne. Ce motet nous raconte la rencontre entre les deux souverains, le 25 novembre 1501, tout en commémorant le martyre de sainte Catherine d’Alexandrie. Le concert se termine avec deux motets de Josquin des Prés qui sont des sommets de la musique sacrée de la Renaissance, le
« De profundis » d’une suppliante beauté et l’incroyable « Miserere mei Deus », peut-être son chef-d’œuvre, dans lequel Josquin semble suspendre le temps en un seul instant… bouleversant !

Arnold de Lantins
Vers 1400 Liège / 1432 Rome
On sait très peu de choses de sa
vie. Il fut à Pesaro au service des
Malatesta avant de rejoindre la chapelle pontificale.
Guillaume Dufay
1397 Beersel / 1474 Cambrai
Il étudie la musique à la cathédrale
de Cambrai. Il est lui aussi embauché
par les Malatesta avant de devenir
chantre de la chapelle papale. En
1436, il compose un motet pour
l’inauguration du Dôme de Florence.
Jean de Ockeghem
1420 Saint-Ghislain / 1497 Tours
Maître de chapelle des rois de
France, Charles VII, Louis XI et
Charles VIII. Il fut trésorier de l’Abbaye Saint-Martin de Tours.
Loyset Compère
1445 Arras / 1518 Saint-Quentin
Il est chantre à la cour de France
puis chez les Sforza à Milan avant
de revenir à la chapelle royale dirigée par Jean de Ockeghem.
Josquin des Prés 1450 Beaurevoir /
1521 Condé-sur-Escaut
Disciple de Jean de Ockeghem, il
passe tour à tour au service du Roi
René à Aix-en-Provence, de Louis XI
à la Sainte-Chapelle, des Sforza à
Milan, et des Papes Innocent VIII et
Alexandre VI à Rome.
Pierre de La Rue
1460 Tournay / 1518 Courtrai
Sous son surnom Pierchon, il est cité
par Jean Molinet comme disciple de
Jean de Ockeghem dans « Nymphes
des bois », déploration composée par
Josquin sur la mort du Maître…

Programme

In tua memoria                                                              Arnold de Lantins
Kyrie – Missa « L’Homme Armé »                                Guillaume Dufay
Intemerata Dei Mater                                                  Jean de Ockeghem
Gloria – Missa « L’Homme Armé »                              Guillaume Dufay
Absalon fili mi                                                               Pierre de la Rue
Credo – Missa « L’Homme Armé »                              Guillaume Dufay
De profundis                                                                 Josquin des Prés
Sanctus & Benedictus – Missa « L’Homme Armé » Guillaume Dufay
Gaude prole regia                                                        Loyset Compère
Agnus Dei – Missa « L’Homme Armé »                      Guillaume Dufay
Motet*                                                                            Fabio Marra (création)
Miserere mei Deus                                                       Josquin des Prés

Distribution 

Sterenn Boulbin, soprano
Cyrille Lerouge, contre-ténor
Damien Roquetty, ténor
Eymeric Mosca, ténor
Luc Coadou, basse

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