Charles Berling, Avignon nous donne un temps précieux

Théâtre Des Halles – Du 5 au 28 juillet – 19h

Pour ces trois semaines de festival off, Charles Berling s’attaque à un maître : Jean-Luc Godard. Il a décidé de mettre en scène une adaptation au théâtre de son film : « Vivre sa vie », qu’il a créée pendant de longues sessions de résidence à Châteauvallon, il nous dévoile son travail.

 

C’est un challenge particulier de s’attaquer à ce genre de réalisateurs cultes ?
C’est exaltant, passionnant et en même temps impressionnant. Mais il y a dans l’œuvre de Godard beaucoup d’inspiration pour moi. Les sujets qu’il aborde, en particulier dans « Vivre sa vie », la prostitution au sens large dans la société, me touchent. Devant des monuments, il ne faut pas être inhibé. C’est intéressant de revisiter Godard aujourd’hui, il y a un mélange de gravité et d’humour qui est fantastique, c’est d’une impertinence totale.

C’est une chance de pouvoir lancer un spectacle pendant Avignon Off ?
Avignon Off est un festival où l’on peut être vu pendant trois semaines, c’est précieux. Ça permet de montrer le spectacle à un large public, et de le vendre. Également sur ce type de création, c’est important que les acteurs puissent jouer tous les jours. Le théâtre c’est de l’artisanat. Et cette durée de représentation apporte beaucoup au spectacle. Un spectacle vivant évolue, il n’est jamais fini. Maintenant, il appartient aux acteurs. Nous sommes là pendant le festival. Ensuite nous le donnerons à Châteauvallon, puis partirons en tournée.

Les thèmes de ce film : les abus faits aux femmes et la difficulté d’être acteur sont brûlants d’actualité, est-ce la raison de ce choix ?
Oui, j’ai voulu exprimer ça avec cette jeune actrice qui est Pauline Chevillier, avec qui j’ai déjà joué. Quand j’observe cette jeunesse, je vois qu’elle peut être amenée à se prostituer, au propre ou au figuré. Ils font des travaux aliénants, subissent leur travail. La pièce va explorer la dimension tragique de l’œuvre. Pour moi, je fais une pièce sur la jeunesse d’aujourd’hui, cette société très dure, consumériste, cannibale avec ces jeunes talents. En même temps, il y aura de l’humour. Il y a tout ça dans Godard. La transposition au théâtre fait ressortir des choses qu’on ne voit pas dans le film.

Comment pensez-vous arriver à intégrer ces différents éléments extérieurs : textes, témoignages, chansons ?
Je ne fais pas une œuvre sur la prostitution elle-même, mais je raconte une histoire. On rajoute des textes, parce que, à l’instar de ce que fait Godard lui-même, je me permets d’aller chercher d’autres choses, ailleurs. On est en 2019, je vais chercher un ressenti différent. Le théâtre est un moyen d’expression différent du cinéma.

Vous avez été en résidence de création à Châteauvallon Scène Nationale, en plusieurs temps depuis septembre, comment le projet a-t-il évolué ?
Entre le scénario de Godard, et les éléments que l’on a souhaité ajouter, les directions étaient là dès le départ. La maturation des répétitions a permis d’affiner, de rendre plus pertinent, plus percutant le propos de l’histoire de Nana. C’est la qualité première du scénario, son histoire est très forte sans tomber dans le pathos. Elle est très dynamique et très homogène. Nous avons commencé à réfléchir au projet il y a deux ans. Le temps est bénéfique à la création, c’est ce que nous a permis cette résidence à Châteauvallon. Nous avons créé la pièce au Théâtre des Halles, les 6 et 7 juin, ça permet de pouvoir finaliser dans le lieu-même où l’on va jouer. Les conditions à Avignon sont plus difficiles, mais je suis très confiant, j’ai senti que les gens étaient touchés, c’est ce qui compte.

 

Charles Berling Biographie

En parallèle à une carrière essentiellement théâtrale, entamée depuis de nombreuses années aux côtés des plus grands metteurs en scène (Moshe Leiser, Jean-Pierre Vincent, Bernard Sobel, Claude Régy, Alain Françon, Jean-Louis Martinelli, Ivo van Hove), Charles Berling se fait connaître du grand public par le film Nelly et Monsieur Arnaud de Claude Sautet et surtout, en 1996, Ridicule de Patrice Leconte. Il aborde la mise en scène dans les années 1990 et monte « Dreck » de Robert Schneider en 1997, puis « Caligula »
d’Albert Camus, « Fin de Partie » de Samuel Beckett, « Gould Menuhin »
spectacle théâtral et musical, Calek en 2014 et Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès en 2016.Charles Berling a obtenu en 2015 pour son rôle dans Vu du pont d’Arthur Miller, le Molière du comédien dans un spectacle de théâtre public. À la tête de la scène nationale Châteauvallon-Liberté avec Pascale Boeglin, il y défend une politique de créations et une programmation exigeante, des arts vivants aux arts numériques, principalement tournée vers la Méditerranée.
Adaptation libre du scénario du film de Jean-Luc Godard, accompagnée des textes de Virginie Despentes, Marguerite Duras, Henrik Ibsen, Bernard-Marie Koltès, Grisélidis Réal, Sophocle, Frank Wedekind, Simone Weil. Avec Hélène Alexandridis, Pauline Cheviller, Sébastien Depommier et Grégoire Léauté.