Charles Berling – Défendre la diversité culturelle et naturelle

Petit à petit le monde revient à la normale, et la Culture, lentement, reprend ses droits. Dans ce numéro spécial de Cité des Arts, nous avons souhaité donner la parole aux différents acteurs du monde culturel, afin de dresser un bilan de ce que notre secteur a vécu, et surtout de vous présenter, chers lecteurs, comment nous allons pouvoir retourner voir ces spectacles qui nous manquent temps. Le toulonnais Charles Berling, acteur et metteur en scène de renommée internationale, mais également directeur de notre belle scène nationale défend notre territoire avec passion. A Toulon, tout d’abord, puis à Ollioules depuis qu’il est à la tête de Châteauvallon, dont il nous fait redécouvrir le patrimoine naturel extraordinaire. Il défend toutes les formes d’art, et d’artisanat d’ailleurs, puisqu’il est également parrain du Chemin des Créateurs d’Ollioules. Durant le confinement, il s’est exprimé à plusieurs reprises, demandant aux pouvoirs publics de soutenir le secteur culturel, qui va en avoir tant besoin.

Vous, personnellement, comment vivez-vous cette période ?

J’étais en tournée au Maroc. Je suis revenu à Toulon, et toutes mes activités d’acteur se sont arrêtées d’un coup. En tant que directeur, j’ai commencé à organiser les annulations et la saison 20-21. Je comprends ce que vivent les institutions culturelles d’un côté et aussi les intermittents, les techniciens, les acteurs de l’autre… Je me suis exprimé à la télé et à la radio, pour défendre nos institutions. Il ne faut pas réduire les subventions, ce serait là la catastrophe réelle. Car ce que l’on réduirait c’est la marge artistique, dont on a besoin pour recevoir et développer les créations. Nous serions dans une institution qui ne pourrait plus remplir ses missions de défense de la création et de la diversité culturelle, ce que l’on propose de différent de ceux qui veulent faire du commerce avec la Culture. J’espère que les pouvoirs publics prendront ça en compte : soit on donne les moyens à un outil de bien fonctionner, soit on le détruit. Ce serait un renoncement aux principes de la démocratie qui supposent de défendre les biens publics, hôpitaux, bien sûr, transports, énergie, mais aussi cette énergie fondamentale pour l’être et le vivre ensemble qu’est la Culture. Je suis comme tous les idiots du début du XXIème : dans un mouvement perpétuel. Ce confinement, qui m’a « stanqué » à Toulon, m’a raconté que, personnellement, je devais fonctionner autrement : pour mon projet en Afrique, par exemple, mieux vaut rester trois mois, que faire des allers-retours. Mais le coronavirus n’est qu’une première bataille que la nature nous amène à affronter. Les batailles fondamentales sont pour nos enfants : écologiques, sociales… Nous travaillons beaucoup avec eux, comment accepter de leur laisser un monde pareil ? Le rôle de notre institution est de défendre la diversité culturelle, et on ne peut pas la penser sans diversité naturelle.

Comment réagissez-vous aux annonces des pouvoirs publics ?

Localement, Renaud Muselier et Hubert Falco défendent la Culture. Nationalement, nous avons un ministre très silencieux, et ça me paraît dangereux. Le Président nous a demandé de nous réinventer, d’aller voir les écoles, d’aller chercher de nouveaux publics… Ce que l’on fait déjà toute l’année ! L’annonce du maintien des intermittents, c’est très bien, mais j’ai regretté qu’il n’y ait pas de vision politique à long terme.

Pendant le confinement, vous donniez la parole aux artistes dans votre projet vidéo « Et après »…

Ils se sont exprimés chacun avec leurs préoccupations, qui se rejoignent toutes : il faut avoir le courage de se repenser, sinon ça peut très mal finir, socialement, écologiquement. La population n’est pas si irresponsable que ça. Ces artistes ont des comportements responsables, qui nous amènent une note d’espoir dans un paysage actuel qui peut verser dans le catastrophisme

Comment voyez-vous cet après pour les disciplines du théâtre et du cinéma ?

Comme l’agriculture, la culture doit se reterritorialiser, mais pas comme l’entend le Front National. Comme le dit très bien Cyrulnik, les gens ont des racines, mais cela n’empêche pas d’avoir les branches tournées vers le ciel et les autres. Le combat des années à venir est double : diversité culturelle et naturelle. Je n’ai jamais été dans la course à l’argent, à la gloire, au pouvoir. Ce qui m’intéresse c’est d’être émerveillé, de fabriquer des choses avec des artistes, et en ce qui me concerne, je vais encore plus me centraliser à Toulon.

Comment imaginez-vous votre saison prochaine ?

Nous n’avons pas pu garder le festival d’été à Châteauvallon, mais allons proposer un certain nombre de « Crépuscules », avec peu de public. Ces formes ont lieu au milieu de cette nature magnifique qui entoure Châteauvallon. Nous sommes très attachés à notre ancrage dans la commune et le paysage ollioulais. Nous accueillerons aussi quelques résidences supplémentaires. Le premier Thema de la saison prochaine est « Passion bleue », il a encore plus de résonnance aujourd’hui. Nous voulons faire redécouvrir la mer et les océans, leur importance et la beauté qu’ils nous amènent. Nous ferons venir scientifiques, penseurs, artistes, avec en ouverture le navigateur Sébastien Destremaux. Je vais proposer début octobre une pièce de Jean Cocteau, « Les parents terribles ». Ensuite nous aurons le thème de « La soif de l’absolu ». Ce sera une très belle saison, et comme nous ne sommes pas irresponsables, nous tiendrons compte des exigences sanitaires pour ouvrir les salles.

 

Site internet : Le Liberté, scène nationale