Charles Berling – Défendre l’exception culturelle.

La programmation de Châteauvallon-Liberté scène nationale vient d’être dévoilée. Son directeur nous en dit plus sur les spectacles proposés, les partenariats développés et le rôle d’une scène nationale dans la cité.

Votre programmation est très pluridisciplinaire, avec du théâtre, de la danse, du clown, du cirque, de la musique…
C’est demandé aux scènes nationales. Je suis très heureux de découvrir des spectacles épatants dans ces domaines. Il y a une grande dynamique dans tous ces arts. Tout cela est regroupé sous l’appellation « art vivant ». C’est une façon de se retrouver ensemble et de partager un moment au présent. Cette joie profonde du partage est irremplaçable.

Cette saison, vous proposerez de nombreux grands noms et textes : Jules Verne, Molière, Racine, Melquiot, de Vigan, Bergman, Grimm, Emma Dante, Kery James, Preljocaj, Boujenah, Kelemenis, Foenkinos, et j’en passe…
Nous cherchons un équilibre entre des classiques et des découvertes, afin que le public se sente en terrain connu, tout en favorisant l’envie de découvrir. Nous démarrerons fin septembre avec un spectacle coproduit par Châteauvallon-Liberté et dans lequel je joue, sur les œuvres de Bergman, mises en scène par Ivo van Hove, « Après la répétition » et « Persona ». Ces pièces abordent des thèmes puissants tels que l’amour, la passion artistique et le pouvoir du théâtre. Nous recevons de nouveau certains fidèles comme Cervantes, Emma Dante ou Kelemenis. Nous proposons d’ailleurs beaucoup de danse cette année. Michel Boujenah sera de retour également. « 20000 Lieues sous les mers », quant à elle, est une pièce que nous souhaitions présenter depuis longtemps. Nous avons également prévu des découvertes que nous voulons partager avec le public. Notre objectif est de faire en sorte que tout le monde puisse être heureux. Une scène nationale, ce n’est pas seulement une programmation, c’est un rapport au monde, et nous voulons que les gens s’approprient notre théâtre et continuer à défendre l’exception culturelle, contre le consumérisme ambiant. Les scènes nationales, les théâtres, les opéras, tous sont confrontés à des difficultés financières. Il faudra que les tutelles et l’État prennent position. Cette année, nous avons fait beaucoup d’efforts pour veiller à ce que les moyens accordés aux artistes ne diminuent pas trop. Une institution comme la nôtre ne peut pas fonctionner si elle n’est pas soutenue dans une économie d’exception culturelle. Nous ne sommes pas là pour faire du commerce, c’est pourquoi nous bénéficions de subventions.

Pouvez-vous nous détailler les Thémas de cette année : « Y croire », « Couples » et « Oh ! Travail » ?
« Y croire » n’aborde pas seulement la croyance religieuse, mais aussi la perte de sens dans nos sociétés, où l’on se demande à quoi croire encore. Dans « Après la répétition/Persona », le metteur en scène croit au pouvoir du théâtre. Pour moi, le théâtre est aussi une religion, un rapport à Dieu, au mystère infini. Au-delà des spectacles, nous aurons une rencontre entre Boris Cyrulnik et Delphine Horvilleur. Le Théma « Couples » aborde les relations familiales, l’amour… Quant à « Oh ! travail » c’est un sujet de société. Depuis la pandémie de COVID-19, notre rapport au travail a changé, et nous nous interrogeons sur son évolution. C’est dans ce Théma que nous organiserons cette année « Courts-métrages en Liberté », des ateliers avec des enfants pour réaliser des œuvres de cinéma. Avec Philippe Collin, nous proposons aussi « Léon Blum, une vie héroïque ». C’est Blum qui a posé les jalons des congés payés et de la réduction du temps de travail. C’est un événement théâtral participatif, qui a été une grande réussite lors du Printemps des Comédiens.

Vous organisez également de nouveau l’événement « Passion Bleue »…
C’est aujourd’hui une thématique récurrente, autour d’un sujet magnifique sur les océans et la mer, qui sont vitaux et passionnants, et qui sont dans notre ADN. Nous voulons mélanger les gens, scientifiques, marins, pêcheurs, militaires, artistes….

Et vous avez toujours vos partenariats locaux, avec l’Opéra, le Pôle, Mozaic, le FiMé… entre autres…
L’Opéra va vivre une saison hors les murs, c’est une joie de les accueillir et j’ai une très bonne relation avec le directeur, Jérôme Brunetière. Nous proposerons en salle Camus quelques opéras cet hiver et chaque été un opéra à Châteauvallon, en commençant par le « Requiem » de Mozart mis en scène par Bartabas en juillet. Des associations comme Mozaic et tous nos autres partenaires locaux sont essentielles pour le territoire. Nous sommes là pour tisser des liens, faire en sorte que les choses existent ensemble et créer des rencontres.

Fabrice Lo Piccolo