Claude Lelouch & Kad Merad – Finalement, je n’ai fait qu’un seul film.
>> »Finalement » en salles le 13 novembre
« Finalement », le nouveau film de Claude Lelouch, nous invite à suivre Lino (incarné par Kad Merad), un avocat en pleine crise existentielle qui décide de tout abandonner pour redonner un sens à sa vie. Dans ce long-métrage qui sortira en novembre 2024, Lelouch mêle à nouveau les thèmes qui lui sont chers : la famille, l’amour, la quête de liberté et le mystère du destin. Rencontre au Pathé La Valette.
Lelouch, qui a réalisé cinquante-et-un films en soixante ans de carrière, livre ici une œuvre à la fois indépendante mais profondément ancrée dans son héritage cinématographique. « Finalement » est une suite implicite de deux de ses films emblématiques, « La bonne année » et « L’aventure c’est l’aventure ». Le personnage de Kad Merad, Lino, se révêle être le fils du personnage incarné par Lino Ventura dans ces films, une idée qui offre une nouvelle perspective sur les relations et les récits initiés des décennies auparavant.
L’idée du personnage de Lino, fils du personnage de Lino Ventura dans vos films, est-elle venue tôt dans l’écriture ?
Claude Lelouch : Pour moi c’était immédiat. Vous savez j’ai eu la chance de faire cinquante-et-un films et j’ai envie à l’âge que j’ai de finir mes histoires. Et j’avais envie de faire un film qui soit à la fois indépendant de tous les autres mais pour ceux qui ont suivi un peu ma carrière et qui ont vu mes films, c’était une façon d’aller au bout, vous savez, en réalité, je pense que je n’ai fait qu’un seul film au final. C’est aussi une réflexion sur notre époque actuelle, marquée par des dilemmes sociaux et politiques profonds. Il y a un suspense extraordinaire, on vit un film d’Hitchcock en ce moment, jamais on n’a été autant au bord du bonheur ou du malheur. J’avais envie d’être un peu plus reporter que d’habitude et de faire surtout un film ludique, qui fasse rêver parce que comme c’est dit dans le film : « On ne meurt jamais d’une overdose de rêve ».
Pensez-vous qu’il y ait une différence de traitement de sujets comme la prosti- tution, entre les années soixante-dix et aujourd’hui ?
Claude Lelouch : Ce n’est pas pour rien que c’est le plus vieux métier du monde. Ce n’est pas pour rien qu’il a eu à la fois autant de succès et qu’il a créé autant de malheurs et de souffrances. Elles n’ont pas la retraite ni les congés payés, pourtant, elles ont sauvé le monde de bien des misères. Je veux dire que la prostitution est allée au secours de ceux qui avaient des difficultés à dire « Je t’aime ». Vous savez la préoccupation principale de l’humanité, c’est l’amour. Il y a mille et une façons de l’aborder, et la prostitution en est une. Dans « L’aventure c’est l’aventure », Nicole Courcel défendait les prostituées, essayait de leur trouver des avantages et dans « Finalement » c’est sa fille qui a hérité de cette passion pour protéger ses femmes. Elle est jouée par Sandrine Bonnaire qui reprend le flambeau. On a essayé de parler d’un sujet tabou aujourd’hui mais dans ce film, on parle de tous les sujets tabous.
Oui, on parle également de dieu, joué par Raphael Mezrahi, et des mystères de la vie.
Claude Lelouch : Mezrahi, dans la vie c’est un ange, au vrai sens du terme. Il a dix-sept ou dix-huit chats, il consacre tout l’argent qu’il gagne aux animaux. C’est un ange sur terre et les anges connaissent bien Dieu. J’ai eu la chance de faire tourner les plus grandes stars du cinéma français mais je n’avais pas encore eu la chance de faire tourner Dieu. C’est fait. Kad Merad : Raphaël doit avoir bien plus de chats chez lui depuis le début de cette interview. Il y a également le Christ et ses apôtres dans le film, même Judas ! Un Judas tout souriant ! C’est étonnant ; enfin sont-ils vraiment là ou seulement dans la tête de mon personnage ?
Kad, était ce difficile de se glisser dans la peau du fils de Lino Ventura ?
Kad Merad : ce film est une expérience unique, tant pour mon rôle que pour la collaboration avec Claude Lelouch. J’ai eu d’étrange émotions avec l’héritage de Lino Ventura tout au long du tournage, j’avais l’impression de l’avoir avec moi, en permanence. J’ai également beaucoup pensé a mes propres parents, surtout en regardant Lino et Françoise Fabian jouer dans « La bonne année ». Je suis quelqu’un qui travaille dans l’instant, j’aime le spontané, c’est pour ça que je m’entends bien avec Claude.
Grégory Rapuc