Claudie Gallay – Planter pour résister à la morosité.

Les Jardins de Torcello

Claudie Gallay sera présente à la Fête du Livre pour rencontrer ses lecteurs et dédicacer « Les Jardins de Torcello ». Un roman lumineux et sensible, entre Venise et nature sauvage, où l’écrivaine explore les liens du cœur, la quête de soi, et l’espoir dans un monde inquiet.

Dans « Les Jardins de Torcello » (éd. Actes Sud), vous rendez hommage à cette île de la lagune de Venise. Qu’est-ce que vous aimez dans cet endroit ?
Torcello, c’est la première Venise. Les tout premiers habitants s’y sont installés au tout début de notre ère, avant de quitter l’île à cause du paludisme. Ils ont ensuite construit ce qui deviendra le Rialto. C’est un lieu oublié, très sauvage, habité par les oiseaux, presque hors du temps. C’est aussi un espace qui protège Venise de la montée des eaux. J’ai été très touchée par cette histoire fondatrice, méconnue. J’avais envie d’y faire naître une communauté de cœur, dans ce lieu de racines et de beauté naturelle.

Vous dites que l’écriture du roman s’est faite comme une réponse à la morosité de l’époque…
Nous vivons dans une époque plutôt anxiogène et individualiste. Je n’ai pas commencé avec cette intention, mais l’écriture m’y a conduite. J’ai voulu parler d’un groupe de gens qui choisissent de créer de l’espoir, du beau, en plantant des jardins. Jardiner, c’est une forme de résistance. La nature impose la lenteur, l’attention, la présence au monde. C’est précieux, surtout aujourd’hui. Torcello permet ce lien-là, tout en offrant un va-et-vient poétique avec Venise, ses lumières, son silence. Venise, c’est une ville improbable, construite sur des rêves, qui tient debout malgré tout. C’est inspirant.

Votre héroïne Jess revient dans ce livre. Pourquoi reprendre ce personnage ?
Parce qu’elle avait encore des choses à vivre. Elle a vingt-trois ans, ne sait pas vraiment ce qu’elle veut, mais elle refuse de reprendre l’hôtel familial. Elle cherche autre chose, une vie différente. À Venise, elle devient guide, fait découvrir des lieux reculés, rencontre Maxence, un ancien avocat pénaliste, et Elio, son garde du corps, originaire de Torcello. Ensemble, ils forment une sorte de famille choisie, et redonnent vie à des jardins médiévaux. C’est une histoire de rencontres, d’entraide, de gens qui s’apprivoisent et s’épaulent. Ils plantent pour les générations futures, ils créent du beau dans un monde rude.

Vous explorez des thèmes forts : le poids des attentes familiales, le besoin de se trouver…
Jess aime sa mère, mais elle sent qu’elle doit prendre une autre route. C’est difficile de décevoir, surtout quand les attentes sont fortes. Elle porte aussi une blessure : la perte d’un ami proche, et la culpabilité de ne pas avoir pu le sauver. Elle avance, en restant fidèle à la jeune fille pleine d’espoir qu’elle a été. On a tous besoin de garder le lien avec la version de nous-mêmes qui rêve.

Vous allez participer à une rencontre lors de la Fête du Livre, c’est un exercice que vous appréciez ?
Ce n’est pas un exercice, c’est un plaisir. C’est très important de connaître ses lecteurs. Chaque lecteur vit une histoire différente avec le livre. Pour la publication de mon précédent roman, avec le confinement, j’avais manqué cette étape de l’échange. Là, j’accompagne ce livre depuis septembre, c’est un bonheur. Cela permet également de tourner la page, d’aller vers un nouveau roman.

Fabrice Lo Piccolo

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