Clément Gauthier – Entre cansos et ghazals, le trobar des troubadours rencontre le tarab oriental.

SERR / SERE, le 26 mai – Les Printemps du Monde à Correns

Deux trios de musiciens inspirés échangent dans le labyrinthe du temps. Ils seront au Chantier pour une résidence en vue d’une création qui se donnera pour la première fois lors du festival.

Peut-on avoir plus d’explications sur ce projet musical impliquant deux trios, un trio français s’inspirant des troubadours et un trio de musique égyptienne ?
Il est certain que c’est particulier comme projet ! Tout d’abord, c’est la première fois que des textes de troubadours sont traduits en arabe et que l’on propose comme matériau musical de base, les troubadours. Ce matériau est placé au centre de la création et chacun avec sa propre culture et sa propre langue va s’en saisir pour fabriquer une chose avec laquelle on va pouvoir dialoguer, se réinventer un patrimoine commun, tout en respectant chaque individu composant cet ensemble.

Quels sont les liens qui rapprochent la musique des troubadours et la musique égyptienne?
Ces liens sont extrêmement anciens, même s’ils ne sont pas forcément visibles aujourd’hui. Guillaume IX d’Aquitaine, comte de Poitiers, qui a probablement inventé le Trobar, connaissait très bien la culture orientale, on savait déjà beaucoup de choses aux XIè et XIIè siècles sur cette culture, car Al-Andalus, l’empire islamique, était aux portes des Pyrénées. Le monde arabe, en ce temps-là, était divisé en deux grandes entités, d’un côté Al-Andalus qui couvrait toute l’Espagne et une petite partie du Maghreb et, de l’autre côté, la suite des empires perses qui se sont étendus jusqu’au bord de la Méditerranée. Il y avait donc deux points culturels islamiques très forts, Bagdad et Cordoue. Durant plusieurs siècles la culture arabe est présente dans toute la Méditerranée et la langue est là, elle aussi. Il y beaucoup d’Arabes, de Juifs, d’Occitans et des Français aussi, qui s’y croisent, découvrent et traduisent. On sait également que Guillaume IX, en revenant de Syrie, a créé une oeuvre poétique lyrique, qui n’existait pas auparavant, qui comporte des formes d’expressions syriennes et andalouses, et qu’il en a fait un art musical nouveau dans sa propre langue, l’occitan. On sait également de façon sure aujourd’hui, que dans une des premières chansons qu’il a composé, il y avait un couplet en arabe. Le lien est là, avant tout, dans ce passé commun.

D’où vous vient cette passion pour les troubadours et pour la musique égyptienne ?
J’ai d’abord une formation d’égyptologue, j’ai passé beaucoup de temps en égypte, j’y ai vécu, travaillé et découvert cette culture musicale à un moment où, en parallèle de ma passion pour l’égyptologie, je devenais musicien traditionnel amateur. La rencontre s’est faite comme ça, j’ai été fasciné par cette musique modale puis ma passion s’est tournée plus vers la musique que vers l’égyptologie. Ensuite, au fil de diverses rencontres, la porte s’est ouverte pour moi vers les troubadours. La découverte de ces textes et musiques m’a tout de suite fasciné, et c’est aussi certainement par le biais de ma culture occitane que cela a résonné en moi, car les liens les plus anciens entre ces deux cultures se trouvent dans des exemples de musique occitane.

Les deux trios se retrouvent-ils fréquemment ?
Le trio français part sous peu au Caire retrouver les musiciens égyptiens et nous faisons une sorte de tournée en France dans divers endroits, dont un passage avec résidence au Chantier et une participation au festival « Les Printemps du Monde », c’est un aventure compliquée, mais passionnante !

 

Weena Truscelli

Le Chantier – LES PRINTEMPS DU MONDE