Clinton Fearon écrit l’histoire

26.10 – Espace des Arts, Le Pradet

 

Clinton est l’un des derniers monstres du Reggae Roots encore en activité. Il a commencé en 1969, dans un petit groupe de l’époque… The Gladiators. Hé oui, c’est lui la voix derrière les mythiques « Chatty chatty mouth » ou « Rich man poor man ». Pour ses cinquante ans de carrière, dont trente en solo, il sort son douzième album : « History say », un album roots personnel et aventureux. A ne pas manquer au Pradet !

 

Ce nouvel album touche des sujets personnels, ce sont vos préoccupations du moment ?

Oui. Je suis d’une part excité de voir la croissance, le développement, la technologie qui évolue. Mais j’essaie d’être honnête et touche des sujets plus politiques, comme je l’ai toujours fait depuis que j’ai commencé en Jamaïque. C’était déjà le cas avec les Gladiators, quand je chantais « Chatty chatty mouth » ou « Rich man poor man ». J’espérais alors que tant d’années après, on n’aurait plus besoin de dénoncer tous les problèmes sociaux, les politiciens véreux… Mais ce n’est pas le cas, c’est simplement la même histoire, racontée différemment.

 

Vous faites de nombreuses collaborations sur cet album, dont Alpha Blondy, ou Sly Dunbar, et c’est la première fois !

J’observais depuis longtemps les autres le faire. Mais je restais extérieur, je pensais avant tout à la musique, me disant que si c’est bon, on n’a besoin de rien d’autre. Alors, je faisais de la musique, dans mon coin, en jouant la plupart des instruments, le chant, la guitare, le rythme, les arrangements. Sur « Mi an’ Mi guitar », je suis même seul ! Ma femme Catherine m’a dit que c’était peut-être le bon moment pour travailler avec tous ces artistes que j’aime, et qui voulaient collaborer avec moi. J’ai su alors que cet album serait différent. Mais ça a été un peu stressant. J’ai écouté des albums avec de nombreuses collaborations qui étaient décousus. Moi je voulais qu’il y ait une unité à l’album. J’ai choisi des artistes avec qui je voulais vraiment collaborer, et je crois que c’est réussi. Retourner en Jamaïque, jouer avec Sly Dunbar, c’était très excitant, ça m’a rappelé tellement de souvenirs. Soudain, je me retrouvais dans les années soixante-dix, quatre-vingt. Quelques rythmes magiques en sont sortis.

 

Il y a de nombreux mélanges sur cet album, du jazz, de la calypso, le reggae est idéal pour cela ?

Le reggae vient de toutes ces musiques-là : le gospel, la country, la calypso, les vibes de Motown, les rythmes africains… On s’est approprié tout cela. Le reggae, c’est la musique de la rue, ce que tu entends, ce que tu ressens. Il y a eu le Rock Steady, puis le Ska, le reggae, et la dernière attraction le Dancehall… C’est un retour aux sources. On parle le même langage, et je n’ai pas peur d’inclure du funk, du jazz, du blues. On ne parle pas beaucoup du blues. Mais c’est partout. C’est une émotion : I’ve got the blues… C’est toujours là quelque part dans votre chanson, sauf si elle n’a aucune émotion. Une fois que vous la ressentez, vous pouvez l’utiliser, quand vous faites une chanson d’amour, de Funk, de Gospel… Je veux bien sûr sortir des sentiers battus. L’essentiel c’est de toujours essayer de faire la meilleure chanson possible.

 

Une collaboration avec votre fille, c’est bien sûr, un moment spécial…

Très spécial. C’est une fille de la campagne. Pas de la ville. Elle a une belle voix, et je pensais que sur cet album c’était le bon moment. L’année dernière nous avions déjà fait une tournée aux Etats-Unis et au Brésil. C’était génial. 

 

Donc la France est toujours le pays de l’amour (titre French Connection) ?

Notre première fois hors de Jamaïque, avec les Gladiators, nous sommes allés jouer en Angleterre, et en Irlande. Puis nous avons rajouté l’Allemagne. Mais la troisième fois, on n’est allé qu’en France ! Et j’ai ressenti cette lumière. Cette vibration. Vous êtes des guerriers. Vous ne vous laissez pas emmerder ! Tout comme nous, en Jamaïque, il faut vous respecter. Puis j’ai réalisé qu’on avait beaucoup de fans en France, qui soutenaient vraiment notre art. Et, il y a quinze ans, j’y ai rencontré ma femme, une française. Et on est ensemble depuis.

 

Alors comment fait-on pour ne pas s’en faire (titre Why Worry) ?

C’est presque provocant non ? Il y a tellement de choses pour lesquelles il faudrait s’en faire. Mais si vous tombez là-dedans, vous ne faites plus rien. Il faut réussir à trouver le bon équilibre. En réalité, je me parle un peu à moi-même. Je veux faire du bon travail. Donc je vais m’inquiéter… Alors je dois faire attention de ne pas tomber là-dedans. Je suis sûr que c’est le cas de beaucoup d’entre nous.

 

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