DAMIEN DROIN – Le monde à l’épreuve du cirque

Cirque

Théâtre Liberté, Toulon

Mercredi 11 mai 2022

 

 

Nous avons encore bu les paroles passionnées et passionnantes du concepteur et metteur en scène du nouveau spectacle “Entre deux mondes” de la compagnie Hors Surface.

 

Tu dis que “l’essence du cirque réside dans le dépassement de nos limites”…

On se met tous face à des choses impossibles et on tente alors de les transcender. Notre travail est de rendre cette tentative poétique et accessible à tout le monde. C’est la base de l’écriture et de ce que je recherche pour les spectacles, une notion qui convoque très vite la recherche avec les agrès et les spécialités des interprètes. Dans cette pièce, l’équipe vient de domaines variés et on travaille tous ensemble avec nos sensibilités et nos corps qui sont chacun différents, sans volonté qu’ils deviennent uniformes. On ne recherche pas la perfection technique, mais au contraire de garder cette fragilité des premiers instants dans le corps au service de la dramaturgie.

 

Dans ta nouvelle pièce, face aux épreuves du corps, tu parles de la relation aux autres comme le “seul réconfort contre l’appel du vide.”

Pour avoir un équilibre en groupe, il faut trouver sa propre liberté individuelle. Il faut explorer la solitude, pour être à nouveau appeler par les autres. Sur la toile de trampoline, les personnages ont sans cesse des choix à faire. Les aller-retours se multiplient entre les deux mondes pour mettre en valeur l’idée de cycle, car ce n’est jamais une fin en soi. Il y a tout un parallèle mythologique avec cette humanité qui évolue, transgresse, reproduit les mêmes schémas, oublie et disparaît. Le personnage de Gaia nous raconte deux histoires en parallèle, la déesse mythologique face à ses défis et à sa survie et une mère désemparée face à ses enfants et au monde.

 

Tes scénographies sont très belles et immersives. Comment les imagines-tu ?

En général, je pars d’une intuition et l’espace se construit à partir de là. Cette fois, l’idée était de peindre avec les corps sur cette toile en mutation. Parfois transparent, opaque ou vivant, cet étrange monde se transforme. Imaginer une scénographie est différent à chaque fois. Pour la pièce Boat le point de départ était parti d’un poème de Rimbaud, Open Cage est parti de l’envie de parler de la folie et de la réalité qui bascule. Je cherche toujours à incarner un espace mental. Comment donner vie à l’inconscient, à l’imaginaire. La scénographie évolue avec les personnages. Elle devient même un personnage à part entière.

 

Ce spectacle est le sixième de la compagnie, a-t-il quelque chose de particulier à tes yeux ?

C’est la première fois que je ne suis pas sur scène ! Je me concentre exclusivement sur la dramaturgie et l’écriture en restant à l’extérieur. Avant, c’était facile pour moi de mettre en corps mes idées. Cette fois, j’ai dû trouver les mots pour les transmettre. C’est très intéressant de pouvoir se concentrer exclusivement sur l’écriture et les détails d’un projet comme celui-là.

 

Cela fait treize ans que tu as fini ta formation au Centre National des Arts du Cirque. Que dirais-tu à quelqu’un qui vient de finir sa formation aujourd’hui ?

Il faut vraiment écouter son intuition. On est beaucoup conseillé et déconseillé en formation. Moi j’ai essayé d’écouter ma petite voix intérieure le plus souvent possible. J’ai fait des scénographies hors normes sur lesquelles j’ai travaillé des mois. On m’a beaucoup découragé là-dessus, on me disait de faire comme tout le monde de façon plus simple, mais ça m’a permis de me démarquer. Ce qu’il y a de plus important, c’est développer sa propre identité artistique et ne rien lâcher.