Daniel Picouly – Mystère et miracle.

Daniel Picouly est le Président, cette année, de la Fête Départementale du Livre du Var. Il viendra également présenter son dernier roman, « Longtemps je me suis couché de bonheur », un hommage à Proust à travers la vie de l’adolescent de quinze ans que Daniel était.

Comment voyez-vous votre rôle de Président ?
Il y a le côté cérémoniel : la déambulation lors de l’inauguration, faire le tour des copains, voir le public. J’aime beaucoup ce salon que je pratique quasiment depuis le début. Le Président doit incarner l’événement. C’est un salon très populaire, avec des activités très diverses, accessible à tout le monde et notamment aux jeunes, qui vit partout dans la ville, notamment dans les médiathèques. Mon rôle est d’être présent pendant les trois jours, de répondre aux sollicitations des médias, de représenter ce salon, d’y travailler, d’être présent sur mon stand, de participer à un maximum d’activités. Ce n’est pas seulement un titre honorifique !

Pourquoi cet hommage à Proust ?
C’est d’abord un hommage à mes quinze ans. Je suis un gars des cités qui rencontre une petite bourgeoise dans une librairie. Elle lit Proust, je la vois. Alors, je l’ai lu aussi, pour la séduire. C’est une mauvaise raison, mais ça peut vous amener très loin ! Quelque chose s’est réveillé en moi. J’ai un Proust personnel, que je ne retrouve pas quand on en parle. Moi, il m’a donné la liberté : des phrases longues, des phrases courtes, deux hommes, trois femmes. D’emblée, tu comprends : tu ne seras jamais Proust, donc il faut te calmer. Il te dit qu’il faut vivre ton histoire, que personne ne le fera pour toi. Tu en face d’une responsabilité : te débrouiller avec ce que tu as. C’est quelqu’un de fondamental pour moi. A l’époque, j’ai lu en intégralité Proust et San Antonio, c’est un grand écart, mais ça parle d’amour et la langue est originale.

A quel point est-ce vous, ce gamin ?
Beaucoup. Ça se passe dans ma cité, dans mon collège, avec des profs un peu retaillés. C’est un hommage à ces profs de cités. J’ai été prof vingt-trois ans. Ce sont des hussards, pas noirs, mais plutôt rouges, car souvent de gauche. Le vendredi après-midi à 17h devant une classe de trente-cinq élèves, ce sont de vrais saints ! Ce sont mes rêves, ma vie dans cette cité, que je trouve belle. Je me demande si le gamin de quinze ans que j’étais aimerait boire un coup avec moi aujourd’hui. Est-ce que je lui ai été fidèle ? A cet âge on a beaucoup de talent. Qu’as-tu fait de ton talent ? La question demeure.

Avez-vous un processus créatif particulier ?
Dans  » La Poule aux Œufs d’Or « , un fermier chaque matin a des œufs en or, alors il éventre l’animal pour aller chercher, en vain, le trésor qu’il pense être dans son ventre. Si vous commencez à vouloir comprendre, il y a beaucoup de chances que vous n’arriviez plus à faire ce que vous faites. L’activité humaine est conduite par de grands mystères : la religion, l’amour… Je transforme la vie en histoire, en temps réel, dans ma tête. Comme un illustrateur la met en image. C’est comme ça et j’entretiens le mystère. Je ne suis pas naïf non plus : il faut bosser, avoir une rigueur. Je travaille tous les jours, sur plein de projets. En ce moment même, sur l’épreuve de mon prochain roman et sur une pièce de théâtre. C’est miraculeux de travailler sans en avoir l’impression, d’être impatient de retourner à son texte. Le miracle, c’est que les idées viennent toujours. Beaucoup de gens disent qu’ils ne pourraient pas écrire, qu’ils n’ont pas d’idée, je pense qu’ils se trompent. C’est possible pour tous ceux qui en ont vraiment envie. Mais veut-on écrire ou être écrivain ? Être écrivain, c’est le prestige, mais avant tout, on doit écrire.

Fabrice Lo Piccolo

Novembre 2021

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