Daphne Corregan – Peau contre pot
>> »Terres d’expression », du 30 mars au 28 avril à la Galerie Ravaisou à Bandol
Née à Pittsburgh et habitant à Draguignan, Daphne Corregan étudie à l’École des Beaux-Arts de Toulon, de Marseille et d’Aix en Provence, avant d’enseigner elle-même à travers le monde. Véritable ambassadrice internationale de la céramique contemporaine, elle fera partie des artistes exposés à la Galerie Ravaisou pendant le Festival Bandol Céramique du Printemps des Potiers.
Avec votre expérience de centaines d’expositions personnelles et collectives sur tous les continents, quel est votre avis sur l’évolution de la place de la céramique en art contemporain ?
Ça bouge beaucoup ! J’ai vécu tout ce chemin depuis les années quatre-vingt, il y avait un regard étonnant, nouveau, puis ça s’est un peu cassé la figure. Depuis une dizaine d’années, ça repart très très fort ! C’est fascinant pour moi d’un point de vue historique. Ça a donné beaucoup de liberté aux artistes, céramistes ou non. Ce n’est plus la peine de se battre pour trouver des endroits où montrer son travail, alors qu’à l’époque on se disait que c’était trop volumineux, que ça cassait et surtout on pensait que c’était un art pauvre, de l’artisanat qui n’était pas intéressant, alors que cette matière permet des choses fabuleuses que ne permettent pas d’autres disciplines. Je me suis battue pour qu’on regarde la céramique avec un regard frais, donc je suis ravie… Mais aujourd’hui, tout le monde fait de la céramique, c’est presque un peu trop ! (rires).
Quel rapport entretenez-vous entre la terre et le dessin ?
Je dessine, mais pas autant que ce que je fais de la terre. C’est compliqué, car la céramique prend le dessus : cela veut dire nettoyer l’atelier, tout ressortir… Mais oui, il y a beaucoup de dialogue entre les deux et une même sensibilité. Je ne dessine pas mes céramiques, je ne vois le rapport qu’après avoir dessiné. Mes céramiques sont des images, mes formes ressemblent plus à des croquis, donc au final, je m’autorise davantage à gratter, verser, effacer, revenir sur les surfaces en dessin.
Vous dites naviguer entre l’architecture, le corps et le contenant depuis les années quatre-vingt. En quoi ces espaces sont-ils les moteurs de votre démarche ?
Cela s’est fait inconsciemment. Je m’imprègne d’architectures contemporaines et vernaculaires. Je fais le lien entre les trois parce qu’il me semble que toutes ces choses ont un espace intérieur et sans cet espace intérieur elles n’existent pas. La céramique, c’est le vide et l’enveloppe. L’architecture est peut-être le lien entre le reste finalement. Je travaille par série, je peux faire des grosses têtes pendant quelques semaines ou mois, puis ne plus en faire pendant un an pour y revenir. Ce qui m’intéresse, c’est de faire des membres du corps surdimensionnés, j’appuie le corps dans ce qu’il subit, comment il est dans d’autres cultures.
Qu’avez-vous choisi d’exposer à la Galerie Ravaisou et pourquoi ?
Comme c’est les quarante ans, l’équipe a invité quatre artistes invités auparavant, dont moi en 1989. Nous avons invité à notre tour un plus jeune artiste, ce qui va donner un petit panorama de la céramique contemporaine avec sept artistes. On a fait le choix de mes pièces ensemble avec l’équipe : de nombreuses nouvelles petites pièces aux murs, quelques dessins, des natures mortes et des collages. On s’est beaucoup consulté pour la scénographie, ils m’ont mis à disposition deux panneaux au sol, j’ai donc choisi deux colonnes en terre cuite que j’appelle « les porteurs », en haut desquelles il y a des têtes à l’envers, comme des pots. Il y aura quatre ou cinq petits jeux sur l’architecture et le contenant en porcelaine et en terre noire. Dans cette exposition, je couvre mes trois thématiques.
Maureen Gontier