Fellag, Le rire est un plaisir que l’on partage

«Bled Runner» – 23.02 – Théâtre Jules Verne – Bandol

 

Fellag s’est consacré depuis trente ans à prêcher l’amour et la réconciliation des peuples… grâce à l’humour. Tout en poésie, avec un sens de l’absurde qui met l’accent sur les incompréhensions entre peuples, il revisitera au Théâtre Jules Verne, l’ensemble de sa carrière pour nous en livrer la substantifique moëlle.

 

Dans Bled Runner, vous reprenez des morceaux de tous vos spectacles, mais ce n’est pas un simple best-of…
J’ai revisité mes textes écrits depuis vingt ans, les thématiques, certaines choses qui se révèlent même un peu prémonitoires. J’ai réactualisé certains passages qui avaient beaucoup de succès, qui provoquaient de l’émotion. J’ai fait le choix de textes emblématiques, qui racontent cette histoire entre l’Algérie et la France. Je me suis demandé quels thèmes restaient actuels. Le public, avec internet et les réseaux sociaux, est encore plus impliqué qu’avant, et j’ai envie qu’il redécouvre les textes. C’est réécrit, j’ai donné une autre couleur, j’ai évolué, tout comme le monde.

A travers vos spectacles, vous racontez l’Algérie, votre but est de faire se réconcilier deux peuples à travers la compréhension l’un de l’autre, par le rire ?
Absolument, par le rire, car c’est un plaisir. Comme quand on partage un plat délicieux, ensemble, exotique mais universel. Ces histoires transcendent la réalité, vont plus loin que le quotidien, sont plus profondes. Quand on rit, on ouvre la porte à l’autre. Ces spectacles sont très ouverts sur l’amour de l’autre. Le public le sent, et c’est un bon ciment. Pour écrire, Je fais comme la plupart des auteurs, je pars d’événements qui me sont arrivés, et j’écris autour, je les grandis, les passe à la loupe, afin de faire passer le message. J’intègre mes voisins, la presse, la télé, des histoires populaires, mon imagination. Je détourne, pour créer du sens, contextualiser.

Comment voyez-vous l’évolution de la situation entre les deux peuples ?
Je ne parlerai que par rapport au sentiment que j’ai. Je trouve que le monde est devenu difficile. La situation a beaucoup évolué en quarante ans. La méfiance est revenue. Il y a quand même beaucoup de choses qui ont fait gagner du terrain dans la connaissance de l’autre, dans le cinéma, la littérature, par la cohabitation, dans le travail. Mais globalement, je ne suis pas très optimiste, les rapports se tendent. La situation est difficile.

Vous vous destiniez à une carrière de théâtre classique : comédie et mise en scène, qu’est-ce qui vous a fait choisir la discipline du seul en scène…
J’ai commencé au Théâtre National d’Alger, financé par l’Etat, comme en URSS ou en Yougoslavie. On faisait du réal-socialisme, des pièces de commande, de propagande. Même les spectacles classiques de Tchekhov ou Molière étaient retravaillés pour faire passer un message socialiste. Je ne me sentais pas bien là-dedans, alors je suis parti pendant sept ans, notamment au Canada et en France. Quand je suis revenu, j’ai découvert que le peuple algérien avait inventé un humour du désespoir, surréaliste, d’une intelligence extraordinaire. En reprenant mon travail d’acteur, je me suis rendu compte que les gens avaient plus d’imagination que le théâtre classique, avec un humour ravageur, alors que les auteurs de théâtre étaient très timides. C’est dans les taxis, les cafés, dans la rue où j’étais mort de rire. J’ai capté tout de suite la force de cet humour, et me suis dit que je ne pouvais plus continuer à jouer cet acteur mouton de panurge. Je me suis mis à écrire des histoires. J’allais dans les cafés, les bus, les mairies, j’écoutais… Grâce à mon habitude de l’écriture, j’ai essayé de rendre cet humour subversif, iconoclaste. J’ai joué mon premier one man, le 5 octobre 88, cela fait trente ans.

 

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