François Brauer – Goutard et son non-amour de l’Art.

16.01 – 17.01 La Loi des Prodiges Le Liberté scène nationale Toulon

Rémi Goutard déteste la sphère artistique, il aimerait éradiquer l’art et les artistes avec sa ‘réforme Goutard’. Mais pourquoi faire un choix pareil ? François Brauer écrit « La Loi des Prodiges » en 2014, et y incarne avec brio une vingtaine de personnages. Que vous soyez amateur d’art ou non, la virtuosité de ce comédien aux multiples facettes saura vous séduire !

Qu’est-ce qui vous a poussé à créer cet anti-héros du monde artistique ?

Tout est né d’improvisation. J’ai passé six mois à improviser tout en m’interdisant un sujet de départ. J’avais l’intuition que de cette manière, j’allais réussir à extraire quelque chose d’authentique. Au bout de six mois, j’ai fait une rétrospective de toutes ces improvisations. Il y avait beaucoup d’interprétations d’artistes, mais je ne voulais pas écrire l’histoire d’un artiste. Pourtant ces personnages me plaisaient et c’est comme ça que m’est venue l’idée de créer un homme politique qui détesterait l’art et les artistes. Plus je creusais le sujet, plus il était intéressant socialement, politiquement, et même intimement parlant. Mon ambition première était purement narrative, je voulais raconter une histoire. Il fallait qu’il y ait de l’empathie autour de mon héros, ou anti-héros selon le point de vue, sans que ça tombe dans le manichéen. Parmi les retours que l’on m’a fait, il y en a un qui m’a beaucoup amusé : « On ne sait pas si tu es un militant de gauche ou un réac de droite en voyant ton spectacle ». Le but était aussi que chacun puisse s’y retrouver, d’un côté, on a un personnage qui incarne l’artiste que tout le monde déteste, de l’autre côté, le personnage d’un député dont l’insensibilité peut sembler grandissante. Aucun monde n’est épargné.

Pourquoi avoir fait le choix d’incarner tous les personnages que vous aviez crées ?

C’est un rêve d’adolescent. J’ai commencé par de l’improvisation théâtrale dans les Yvelines. C’est ce qui m’a permis de me rendre compte que le comédien, c’est cette personne seule en scène qui fait rire le public, à l’image des humoristes. J’ai quand même suivi un parcours académique : j’ai été au Cours Florent et au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Pendant dix ans j’ai joué des pièces classiques du répertoire théâtral. Mais je voulais retrouver ce plaisir de l’impro, du mime, de la composition de personnages… Ce désir du « seul en scène » remonte à très loin.

Comment s’est déroulée la construction du spectacle ?

Il n’y avait aucune structure pendant longtemps. Jusqu’à ce que l’on observe ces six mois d’improvisation, qui nous ont aidé à construire un schéma avec mes co-auteurs Joséphine Serre et Louis Arène. A partir du moment où il y a trois personnages dans une seule situation et qu’on est seul en scène, on a forcément besoin d’une mise en scène textuelle pour rendre la situation claire. La conception, c’est cette écriture particulière qui doit restituer une histoire à partir de plusieurs impros. Ça prend forme dans l’imaginaire du spectateur, avec de la suggestion de décors ou de situations. Il prend part au spectacle, en comblant par l’imagination les vides dans l’espace. C’est aussi ce qui est beau dans le théâtre,

Un personnage particulier auquel vous vous êtes attaché ?

J’aime beaucoup le clown-mendiant. C’est un personnage pathétique, et en même temps, il a une idée de l’art si naïve et tellement positive. C’est une rencontre pivot avec le Rémi Goutard adolescent. Il est si éloigné de moi, dans la voix et la posture. C’est mon contre-emploi, plus que quand je joue des femmes. Il a quelque chose qui me touche et me donne même envie de lui retrouver un rôle dans mon prochain spectacle, pas sous la forme du même personnage, mais en gardant son âme.