François Régis – Abolit les frontières musicales.

12.11 – 20h30 – Le Liberté scène Nationale, Toulon.

 

François Régis est pianiste et compositeur. Spécialiste de l’improvisation, il est connu pour son travail d’abolition des frontières entre musiques savantes et populaires, en alliant musiques électroniques et instruments classiques. Il est actuellement directeur artistique de l’ensemble Ecce à Paris.

 

Pourquoi ce choix du clavier électronique pour accompagner ce film?

C’est un film qui date des années 50, avec une musique assez traditionnelle. Nous avons voulu avoir une nouvelle approche, le redynamiser. Nous utilisons le piano et des instruments qui sont plus de notre temps, avec beaucoup d’électronique. Le clavier me sert en fin de compte à retrouver le timbre original du piano et surtout à utiliser des sons d’aujourd’hui. Le but est vraiment de transposer le film dans une nouvelle modernité. C’est un mélange entre timbres classiques et toute une série de timbres électroniques et électro-acoustiques. Ce n’est pas un travail historique mais un travail de création.

Comment composez-vous ?

Je suis pianiste, instrumentaliste de formation classique. J’aime jouer, improviser, et j’écris au fur et à mesure. Je travaille systématiquement en écrivant des toutes petites séquences comme dans un cahier d’esquisses. Je m’en sers de matrice pour composer mes morceaux. Pour ce film en particulier, j’ai vraiment travaillé pour en comprendre la logique. Pour moi c’est un thriller, un film à suspense. Je ne me contente pas de suivre ce que les images racontent. Parfois la musique dépasse les images et crée une sorte de contre-point, une atmosphère plus générale qu’un enchainement de séquences de film. On voit Picasso créer son œuvre, en improvisant, et Clouzot, dans un faux direct, qui crée le suspense. Il y a un côté œuvre en cours de réalisation. Pour moi, l’idée était de rajouter une ambiance de mystère autour de la création, une atmosphère dramatique, qui ne souligne pas uniquement l’énergie du tableau, mais qui sublime également le rythme du film.

Est-ce qu’un ciné-concert nécessite une approche différente ?

Oui, ce qui est bien dans le ciné concert c’est que le musicien disparait. Nous ne sommes pas au centre de l’attention, on joue dans la pénombre à cause du film, et on veut faire oublier la musique. Ce ne sont pas les musiciens qui doivent être au cœur de l’événement. Nous voulons que les personnes s’intéressent au film et le vivent avec nous.

Que pensez-vous du film ?

Je l’ai vu une centaine de fois, je le connais par cœur. Pour avoir écrit dessus, seconde après seconde, je ne peux plus dire ce que j’en pense, si ce n’est que c’est un chef-d’œuvre. Ma version, elle, est actualisée pour notre siècle, avec une nouvelle façon de raconter.

Que se passe-t-il quand on allie musique et film ?

Un troisième élément nait, qui n’est ni film, ni musique. Quand on allie deux arts, il se passe quelque chose. Le ciné-concert est un genre en soi, ce n’est pas la juxtaposition du cinéma et d’un concert, mais un art à part entière. C’est comme quand vous faites des crêpes : vous mettez les œufs, le lait, la farine, et à la fin vous ne sentez plus les différents ingrédients.

 

Type de musique :

Musiques électroniques

Membres du groupe :

François Régis (clavier électronique et piano)

Jean Lochard (musique électronique)

Cyril Hernandez (percussions)

Souvenir de concert :

La première de ce spectacle, que l’on a donnée au musée Picasso à Paris. C’était très émouvant : le public s’était promené dans le musée avant, avait été confronté aux œuvres, et semblait donc plus sensible au ciné-concert. Il y avait tout l’ensemble au complet : cinq musiciens sur scène. C’était dramatique et palpitant. Comme en amour, c’est toujours la première la plus belle.

 

 

                                                                                                                   

LE MYSTÈRE PICASSO DE HENRI-GEORGES CLOUZOT

Film – Noir & Blanc – France – 1955 – 78 min.

« On donnerait cher pour savoir ce qui s’est passé dans la tête de Rimbaud pendant qu’il écrivait le Bateau ivre… ». Tels furent les premiers mots d’Henri-Georges Clouzot pour commenter Le Mystère Picasso. Ce film donne à voir l’exécution par Pablo Picasso de dessins et de tableaux, au moyen d’un procédé technique innovant qui se propose de lever le voile sur le mystère de la création de l’artiste. Clouzot filme non pas Picasso en train de créer, mais sa création elle-même, débarrassée de l’outil et de la main du peintre. La caméra de Clouzot, cadrant la toile (un papier calque) du côté opposé à celui de Picasso restitue au public le geste artistique en transparence et, par là même, le cheminement de la pensée du créateur à l’oeuvre. Puis, le film passe à la couleur : peintures à l’huile, plus classiques, filmées en cinémascope image par image. Lorsque Picasso peint à l’huile, la technique est différente. Clouzot place sa caméra derrière le peintre et photographie la toile à chaque évolution, tandis que Picasso s’écarte.