François Veillon – Modernité et métissage.

Le Telegraphe à Toulon est un lieu hybride à la croisée des arts culinaires, des arts plastiques et des arts vivants. Sa programmation cette année, que nous présente son directeur, s’en fait l’écho et le place résolument en tant que lieu de vie, d’échange, de modernité et de métissage.

Cette saison, le Telegraphe se place sous le signe de l’Utopie, peux-tu nous en dire plus ?
Il était prévu que l’on ait peu d’événements mais qui correspondent à la vision artistique que l’on a depuis le début. Nous avons créé « Waow, c’est génial de bien manger », des événements qui mettent en avant une alimentation de qualité et qui fédèrent un certain nombre d’acteurs locaux en vue de placer l’alimentation au centre de nos préoccupations, et donc d’agir de façon plus pérenne sur notre environnement. Il existe énormément d’acteurs qui font des choses pertinentes et passionnantes, et l’idée était de les mettre en avant et de proposer des événements un peu hybrides.
En ce qui concerne l’aspect musical, j’avais à cœur de proposer des projets modernes. En recevant « Flèche Love » le 6 avril, c’est pour moi une façon de replacer Le Telegraphe dans sa dimension artistique d’origine, avec des projets sensibles, poétiques, mais musicalement travaillés, de recherche, un peu iconoclastes, qui ne se placent pas forcément dans une catégorie à la mode. Ce qui est intéressant dans cette modernité musicale, c’est qu’elle associe aujourd’hui l’image, la mixité sociale, les cultures dont sont issus nos projets, et elle touche des thématiques qui remettent en question les grands fondements de notre société. La musique, plus que jamais, est en train de créer un nouvel élan. Nous recevrons également Eda Diaz qui représente bien ce mouvement musical moderne, mêlant culture latino-américaine et française. De même Estelle Meyer, musicienne française et grande poétesse, que nous recevrons le 25 mai. Je suis très attaché à la poésie. La poésie, c’est accepter d’être éphémère et éternel, c’est une plume, une lame. J’ai vu son spectacle « Niquer la fatalité  » en résidence au Liberté, il est vraiment d’actualité. Ce sont des projets puissants et audacieux, portés par des femmes remarquables. Fred Nevché viendra, lui, nous présenter son nouvel album qui est très réussi.
Pour nous cette utopie est donc comme une invocation, un pas de côté, qui nous permettent de définir les contours de notre saison et de participer à notre façon à cette modernité.

Tu reconduis le Metek Festival cette année, quel est le concept ?
Ce festival est une exploration de la diversité culturelle et une célébration du métissage qui caractérise nos sociétés contemporaines. L’idée de créer un événement tel que le Metek Festival découle de ma réflexion sur le rôle d’un lieu culturel comme le Telegraphe. En tant que centre culturel, nous sommes confrontés à la question de savoir si notre mission consiste à définir une culture particulière ou à être le reflet de la diversité des cultures qui nous entourent. Cette réflexion est d’autant plus cruciale lorsqu’on prend en compte les contraintes économiques et marketing auxquelles nous sommes confrontés. Estelle Meyer et Eda Diaz feront respectivement l’ouverture et la clôture du festival. Nous accueillerons également le groupe de funk marseillais King Krab qui nous présentera son tout nouvel album.
Parlons maintenant du concept de tiers-lieu nourricier et de la résidence Mycélia. Qu’est-ce que cela implique pour Le Telegraphe ?
Le concept de tiers-lieu nourricier, ainsi que la résidence Mycélia, représentent une nouveauté majeure cette année au Telegraphe. C’est une approche innovante qui vise à coordonner l’ensemble de nos activités de manière cohérente et collaborative. Pour vous expliquer, notre lieu comprend diverses activités telles qu’un restaurant, un atelier de céramique, et nous sommes également éditeurs d’un magazine culinaire. En parallèle, nous menons un travail approfondi de recherche et développement dans le domaine de l’alimentation, avec une importante banque de données à disposition. Malheureusement, cette richesse d’informations reste souvent méconnue du public local. Mycélia, c’est ce réseau souterrain qui anime nos terres et nos forêts. Dans cet esprit, avec notre réseau de partenaires, nous cherchons à créer un espace de partage et d’échange avec notre environnement direct. Nous organisons des journées dédiées où le lieu se transforme en un véritable laboratoire vivant, permettant au public de découvrir la richesse de notre travail et de nos passions. Le prochain événement le 10 avril continuera sur cette lancée, en abordant la thématique des forêts. Nous explorerons des sujets tels que l’agroforesterie, la forêt nourricière et l’importance des bains de forêt. Plus nous comprenons et apprécions la nature qui nous entoure, plus nous sommes enclins à la préserver et à en prendre soin.
Fabrice Lo Piccolo