Frank Micheletti – Météorologie de nos corps dansants.

>>Festival Constellations du 18 au 22 septembre à Toulon et Hyères

Le festival de danse contemporaine incontournable de la rentrée culturelle revient pour sa quatorzième édition. Frank, chorégraphe et directeur de la compagnie Kubilaï Khan, nous dévoile les enjeux et la programmation de cet événement qui mêle danse, écologie, et exploration des identités méditerranéennes, tout en puisant dans les traditions et les innovations artistiques du monde entier.

Quelle est la ligne artistique de cette édition de Constellations ?
Elle se déroule sur cinq jours. Le festival s’inscrit dans une identité côtière, en lien avec la Méditerranée, et explore en quoi ce cadre unique influence les manières de vivre, d’habiter et comment cette topographie façonne nos expressions. Le dimanche, nous organisons une session littorale intitulée « Bancs de sable », avec des discussions animées par des personnalités – sportifs, militants, chercheurs, artistes – autour des relations entretenues avec notre littoral. Sera présente, notamment, Flora Artzner Championne du monde de « wingfoil », qui a l’écologie chevillée au corps et tente de secouer le monde du sport en proposant des compétitions plus sobres. Constellations a dans son ADN une forte conscience écologique. Nous voulons faire bouger les consciences, les esprits et les corps, au sens propre comme au figuré. D’ailleurs chaque soirée se termine par des DJ sets ou des concerts, avec un focus sur les musiques électroniques contemporaines d’Afrique et de ces diasporas. Nous accueillons le samedi Fulu Miziki, mot à mot « musique des poubelles », un groupe de Kinshasa avec une musique afro-disco post-soukouss explosive. Et en clôture le dimanche, nous aurons le premier concert d’une formation qui va beaucoup faire parler d’elle Article 15, un duo de l’incroyable chanteur afro-electro-punk Lova Lova accompagné du compositeur Théo Levaufre. L’ Afrique danse le futur comme l’avait prédit Miles Davis.

Quels lieux vont accueillir cette programmation variée ?
Nous serons dans plusieurs lieux emblématiques. À Toulon, ce sera au Cinéma Le Royal, à la microbrasserie La Scélérate, en co-réalisation avec la librairie Contrebandes, et bien sûr à la Tour Royale, le lieu historique du festival, son vaisseau amiral qui pendant deux jours alternera sur les trois scènes coté jardins et coté mer. Le Liberté est à nos côtés, partenaire loyal qui permet un déploiement des pièces chorégraphiques au plus près des précisions et des nuances dans l’écrin des deux salles. En grande salle, c’est le chorégraphe nantais Louis Barreau, qui nous envoûtera avec les cantates de Bach en tissant un riche entrelacs de musique incarnée dans l’espace et le temps et dans la petite salle, c’est le retour de la chorégraphe suédoise Alma Söderberg actuellement artiste associée à la compagnie de danse contemporaine Cullberg, qui unit rythme, voix et mouvement. La musicalité sera le fil rouge ce cette soirée qui se poursuivra par un Dj set de Sabb, charismatique et énergique musicienne, qui explore les styles afro-diasporiques. Nous retournons cette année à Hyères, à la Collégiale Saint-Paul, au Lavoir et au Café Vola. L’attachement du festival à produire un geste situé est primordial. Là, nous avons créé un solo pour la Collégiale et sa collection unique d’ ex-voto.

Qu’est-ce qui caractérise les artistes invités cette année ?
Ils partagent une réflexion sur notre monde, qu’ils considèrent en crise et en besoin de transformation. Il y a un courant de pensées que l’on pourrait regrouper autour de l’écosophie : en quelques mots l’idée que l’humain n’est qu’une partie d’un tout. Qu’il est important de relier les implications des situations écologiques, politiques, économiques, institutionnelles, psychiques, subjectives, technologiques qui réagissent les unes sur les autres. Par exemple la chorégraphe belge Louise Vanneste relie danse et phénomènes géologiques, nous rappelant notre dépendance à nos milieux. Rachid Ouramdane, directeur du Théâtre national de Chaillot, présentera « Le Secret des Oiseaux » (pièce jeune public), et « Dans le noir, on voit mieux », deux solos fascinants de la danseuse lituanienne Lora Juodkaite où résonne l’attention à la pluralité des mondes. Dans ce dernier spectacle, ils ont travaillé avec une chaman, et explorent une forme de transe qui met en relation les mondes visibles et invisibles.

Peux-tu nous parler des formats inédits et des autres temps forts du festival ?
Parmi les nouveautés, nous proposons « 1h avec », un format d’échange qu’inaugurera Hervé Mazurel, historien des sensibilités à la microbrasserie La Scélérate. À la croisée de l’art urbain et contemporain, se jouant des cadres, Germain Prévost alias IPIN nous propose un dispositif de sculpture scénographie mou associé à un geste chorégraphique. Nous aurons toujours des ateliers danse, très appréciés du public avec les danseurs de Kubilaï pour préparer les festivaliers aux dancefloors. Ne manquez pas les deux duos d’Yvan Alexandre et de Vincent Dupont et Bernado Montet qui dévoilent chacun à leur manière la multiplicité de nos mondes corporels. Nous aurons le plaisir de re-accueillir les intensités du chorégraphe brésilien Calixto Neto et de contester les stéréotypes physiques avec Meytal Blanaru. Le festival se clôturera avec les passionnantes danses urbaines au féminin de Sandrine Lescourant et son quatuor Raw, et du duo de krump de Marion Alzieu, chorégraphe très prometteuse. Enfin la chorégraphe Aina Alegre, du Centre Chorégraphique de Grenoble, créera trois grandes toiles à ciel ouvert, inspirées de Miró, avec des pigments bleus sur la dalle Pipady ; une expérience dansée et plastique à l’image d’un festival résolument engagé et vivace auprès des actes d’invention où nos corps découvrent de nouvelles latitudes.

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