Frank Micheletti – Une météorologie collective de danses et de fêtes.

Constellations #15 du 17 au 21 septembre à Toulon et à Hyères

Du 17 au 21 septembre, Toulon et Hyères vibreront au rythme de la quinzième édition du Festival Constellations. Son fondateur, le chorégraphe, danseur et DJ Frank Micheletti (Cie Kubilaï Khan), revient sur l’esprit de cette aventure singulière, née d’un désir d’ouverture et d’expérimentation.

Quinze ans de Festival Constellations, avec quelles intentions l’as-tu lancé et qu’en est-il aujourd’hui ?
Dès le départ, l’idée était simple : ouvrir le festival au public le plus large possible, avec des danses plurielles et contemporaines, exigeantes mais accessibles. Quinze ans plus tard, la feuille de route n’a pas changé. Constellations a accueilli plus de quatre cents artistes, dont beaucoup se retrouvent aujourd’hui sur de grandes scènes nationales ou internationales.
Le festival est reconnu pour sa capacité à défricher, à inviter des formats inédits, à ne pas se limiter au « plateau classique ». On a mis en avant des dispositifs bi-frontaux, des durées variables, qui ouvrent d’autres possibles. Nous avons dansé à la Tour Royale, pris le bateau, le téléphérique, investi des musées, des espaces privés ou intimes. L’idée est de sortir du théâtre pour aller à la rencontre de publics différents.
Dès la première édition, je voulais que Constellations s’inscrive dans une géographie élargie : elle s’appelait « Constellations – Toulon, Tokyo, Maputo », deux villes où j’ai beaucoup travaillé. Les artistes invités ne sont pas des porte-drapeaux de leur pays, mais des créateurs immergés dans un écosystème, en prise directe avec les tensions et les zones aveugles de leur société. Cette année, je retrouve ce fil avec la Japonaise Naoko Tozawa et la Mozambicaine Mai-Júli Machado Nhapulo qui interroge la place des femmes dans son pays.

Quelles sont les nouveautés de cette édition ?
Je tiens à ce que Constellations continue d’élargir son périmètre. Le festival se tisse autour de trois axes : la danse, le sens de la fête — célébré par une ligne musicale afro-caribéenne et latino que je développe depuis quelques années —, et le sens des idées et des conversations.
Côté rencontres, nous poursuivons les « Bancs de sable – les sessions littorales », plateau dédié à nos identités côtières. Des chercheurs, sportifs, scientifiques dialoguent autour des enjeux écologiques et sociaux liés à la mer : pollution, érosion, tourisme, coexistence des usages… Flora Artzner, double championne du monde de wingfoil et ingénieure, revient nous parler de son engagement sur la question du sport et de l’écologie.
Une nouveauté : « Un café SVP », trois matinées d’échange au Mellow Coffee Spot, lieu convivial où des chorégraphes se racontent autrement qu’à travers leurs pièces.
Le festival poursuit sa relation au septième art : projection au Royal, le 17 septembre, d’une série de films de danse de Christophe Haleb consacrés aux jeunesses pékinoises, suivie d’un échange avec le réalisateur.

Et la programmation artistique ?
J’ai soigné cette édition tout au long de l’année. Les trois quarts des artistes viennent pour la première fois à Toulon et à Constellations. Parmi eux : Mai Juli Machado, Naoko Tozawa, Melissa Guex, Mellina Boubetra, Anna Chirescu, Madeleine Fournier, Bryan Campbell, Pierre Pontvianne ou encore Solal Marriote, que l’on a vu à Avignon cet été aux côtés d’Anne Teresa de Keersmaeker.
Beaucoup de chorégraphes sont accompagnés de musiques live, telle Justine Berthillot, qui fait patiner ses rollers aux rythmes endiablés d’une batterie.
Nous accueillons aussi des figures confirmées, comme Amala Dianor, Ioannis Mandafounis, ex-danseur de William Forsythe et aujourd’hui directeur du Ballet de Francfort, qui présentera « Scarbo ».
Mention spéciale à la formation Coline et ses quatorze danseurs et danseuses qui viennent « s’encrer » dans la chorégraphie somptueuse d’Arno Schuitemaker sur la dalle Pipady.
Et puis, bien sûr, la magie des lieux : la Collégiale Saint-Paul à Hyères, la Tour Royale, avec la mer en arrière-plan, un nouveau lieu où le festival s’invite pour deux soirées : le Telegraphe, sans oublier les soirées électrisées par les DJs — de la franco-mexicaine Sabor_a_mi au Montréalais Poirier, en passant par la productrice ivoirienne Asna, le producteur Praktika qui marrie électro et sonorités traditionnelles ouest-africaines, et moi-même sous les traits de Yaguara.

Pourquoi ce lien fort avec la fête et la musique ?
Parce que le dancefloor est un espace fédérateur. Il produit une énergie partagée, apaisée, joyeuse. J’y tiens autant qu’aux spectacles, avec des ateliers ouverts à tous, petits et grands, pour fabriquer des espaces de mixité et de convivialité. La danse est éphémère, mais elle laisse des traces profondes. Je croise des spectateurs qui me parlent encore de pièces vues il y a dix ans. Ce sont ces expériences intimes et collectives qui font revenir les publics. Constellations, en conclusion, est une météorologie collective faite (et fête) de danse, de voix, de fims, de sons, de radio, d’ateliers… C’est un joli moment de mixité sociale et c’est pour ça que je tiens à la gratuité afin de pouvoir découvrir et se rencontrer en toute liberté.
Fabrice Lo Piccolo