Frustration, le punk n’effraie plus personne
10.05 – Espace Malraux – Six-Fours-Les-Plages
Les présenter une énième fois serait leur manquer de respect. Mais rappeler pourquoi ils sont importants ne peut pas faire de mal. Historiquement liés à la montée de puissance de Born Bad Records, dont ils furent la toute première sortie, les membres de Frustration font figure de grands frères bienveillants de toute la scène indé française. Ils mélangent post-punk et cold-wave depuis 2002 et seront sur la scène de l’Espace Malraux le 10 mai !
Pourquoi Frustration ?
Quand j’ai formé le groupe, j’avais décidé de ne pas mettre la charrue avant les bœufs car le nom n’était pas très important au début. On a répété un bon moment sans avoir de nom et lors de l’été 2003 j’écoutais chez moi le morceau « Frustration » d’un de mes groupes préférés qui s’appelle Crisis. J’ai regardé la signification du mot
« frustration » dans le dictionnaire car j’aimais bien au départ la sonorité de ce mot. La définition était d’ « être insatisfait d’une situation et tendre à ce qu’elle s’améliore »
et cette approche m’a plu ainsi que le fait que ce mot se dise de la même manière en anglais, en italien, en allemand et veuille dire la même chose. Je l’ai donc proposé au groupe. Au départ nous étions quatre sur cinq a l’apprécie. On a eu le cinquième à l’usure !
Votre dernier album « Empires of shame » sorti en 2016 est très revendicatif…
Cet album est dans la veine de notre vrai premier album sorti en 2008 qui s’appelle « Relax ». Les deux se rapprochent dans leurs idées d’une certaine révolte sociale. Cependant « Empire of shame » est plus révolutionnaire que « Relax » qui évoquait plus une rébellion intérieure, que nous vivions tous les cinq à ce moment-là. Avec cet album, nos sentiments sont beaucoup moins intériorisés. Nous avons souhaité montrer notre énervement vis a vis des phénomènes sociaux d’aujourd’hui.
Vous chantez majoritairement en anglais, pourquoi ?
Je trouve que l’anglais sonne bien. Il me permet aussi d’une certaine manière de me cacher derrière car je suis quelqu’un de très bavard et extraverti. Le premier filtre apparaît grâce à l’écriture car par moment c’est un peu ridicule de chanter en français. Le deuxième filtre, c’est la pudeur. Nous sommes en pleine réalisation du prochain album qui sortira pendant l’automne et comportera trois titres en français. Pour ce nouvel album, je me suis senti plus à l’aise opur me livrer en français. Entre 1986 et 1991, j’ai fait partie d’un groupe dans le même style que Frustration où toutes les paroles étaient en français. L’utilisation de ma langue natale n’est donc pas un terrain inconnu, j’aime l’utiliser.
Que pensez vous du punk-rock d’aujourd’hui ?
Je n’ai pas envie de tenir un discours qui dit que le punk était mieux avant. Mais le punk en lui même aujourd’hui n’effraie même plus ta grand-mère quoi ! Il ne fait plus vraiment peur. Ce style ne traduit même plus la subversion, l’insatisfaction ou l’envie de faire progresser les choses. Il faut toujours être prudent quand on est un quinquagénaire comme moi parce que l’on évoque pas une vérité universelle. On retrouve plus ces pensées aujourd’hui dans d’autres styles, notammenet le rap. Le punk s’est un peu endormi, on est constamment dans une nostalgie des années 80. Avant, on voulait réveiller les consciences. Il reste quand même aujourd’hui des groupe très intéressants, qui méritent d’être écoutés. Dire que le punk est mort n’est pas mon propos. Je pense que dans les années 90, les mœurs et la liberté ont changé. L’internet devait à la base sublimer cette émancipation mais ce n’est pas vraiment le cas. Très peu de gens maintenant achètent des disques ou des livres et tout se passe par internet. C’est pour ça que les mouvements tel que les gilets jaunes réchauffent le cœur : le peuple se réveille.
Stellie Poirrier