Gaëlle Nohant – Le pouvoir du roman
>> À l’occasion de La Fête du Livre du Var les 17,18,19 Novembre 2023
Dans « Le bureau d’éclaircissement des destins », nous voyageons avec les archivistes / enquêteurs du Centre d’Archives d’Arolsen pour retrouver et rendre leurs possessions aux descendants des victimes de la Shoa. Ce roman est en lice pour le Prix des Lecteurs du Var.
Votre dernier roman est centré sur le travail du Centre d’Archives d’Arolsen en Allemagne. Qu’est-ce qui vous a particulièrement intriguée dans sa mission ?
Ce qui m’a fascinée, ce sont ces archivistes qui sont aussi enquêteurs et recherchent à partir d’énormes fonds d’archives l’identité des victimes de la Shoa. Depuis 2016, ils réalisent aussi une autre forme d’enquête visant à restituer les objets retrouvés aux milliers de descendants de ces victimes, qui parfois ne savent même pas que leur famille a été touchée par la déportation. Pour eux, ces objets représentent la trace d’une histoire souvent perdue et entourée de silence. Ils permettent aux nouvelles générations de se reconnecter à cette partie de leur passé, apportant un peu de paix dans une histoire difficile.
Parler d’un sujet réel est un travail particulier. Comment avez-vous abordé cette tâche complexe ?
Cela a été un énorme travail de documentation. J’ai lu environ deux cents livres d’histoire et j’ai effectué des voyages en Pologne et en Allemagne pour rencontrer des témoins. Mon objectif était que les lecteurs puissent apprendre des faits authentiques. Mes personnages sont fictifs, mais s’inspirent de différentes personnes réelles.
Votre roman pourrait être qualifié de roman policier à bien des égards. Pouvez-vous nous expliquer cette dimension ?
J’ai écrit principalement pour que les jeunes lecteurs puissent lire le livre comme un polar tout en en apprenant davantage sur l’Histoire. Mais, dans un polar, on s’intéresse généralement à l’enquêteur et à l’assassin, en laissant de côté les victimes, alors qu’ici, le meurtrier est connu, et ce qui nous intéresse, c’est d’éclairer l’ensemble du tableau et le destin des victimes.
Votre livre est également un récit d’aventures et de voyages. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Il s’agit d’une fresque qui possède une dimension géopolitique. Il nous emmène sur le chemin de la mémoire de divers pays en explorant leur roman national. Par exemple, l’Allemagne a fait face à ce passé difficile avec courage. En revanche, l’Autriche voisine a souvent préféré se considérer comme une victime d’Hitler. Ce roman national est également différent en Russie. La France aussi a une histoire complexe à traiter. Pour comprendre les conflits actuels, comme celui en Ukraine, il est essentiel de posséder ces clés qui se trouvent dans l’Histoire, et l’on peut voir qu’actuellement, les paliers de l’inhumanité sont toujours allègrement franchis.
Enfin, vous êtes en lice pour le Prix des lecteurs du Var. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Les prix des lecteurs sont les plus précieux, j’ai écrit ce livre en pensant constamment à eux. Mon but était de les embarquer avec moi pour qu’ils ressortent de cette expérience plus riches sur le plan humain. Si j’ai choisi le format du roman, c’est parce qu’il touche un public plus large et que c’est une forme puissante pour aborder des sujets complexes, en échappant au manichéisme. On plonge plus profondément dans l’humanité et l’identification aux personnages rend l’Histoire plus vibrante et vivante. J’ai aussi un lien particulier avec Toulon où j’ai vécu sept ans. Mon premier roman a reçu le Prix Encre Marine décerné par la Marine Nationale à Toulon et j’ai écrit un livre sur le centenaire du RCT. Je suis également la marraine de la librairie « Le Carré des Mots ».