Gilles Altieri, je me suis toujours battu pour la peinture

Gilles Altieri est un personnage incontournable du paysage artistique varois. Il a été directeur des affaires culturelles au Conseil Général, a participé à la création de la Villa Tamaris-Pacha, de la Villa Noailles, et a fondé et dirigé l’Hôtel des Arts. Dans la Rue des Arts, il a créé la Galerie du Canon, en association avec Jacques Mikaélian et Xavier Rognoy, où il s’expose pour la première fois en compagnie de Didier Demozay et Gérald Thupinier. Il nous dévoile son amour de la peinture.

 

Quel est le thème de l’exposition à la Galerie du Canon ?

Depuis l’ouverture, j’ai exposé certains artistes que j’avais exposés à l’Hôtel Des Arts : Janos Ber, Marek Szczesny, Jérémy Liron, Jérôme Dupin, Eric Bourret. Cette fois-ci, nous avons Didier Demozay, un dracénois, Gérald Thupinier, un niçois, et moi-même, toulonnais. C’est la première fois que je m’expose, je vais essayer de ne pas prendre tout l’espace ! (rires).J’expose dans différentes galeries, à Paris ou Bruxelles, et connais bien ces deux autres artistes.Nous sommes tous les trois des peintres abstraits. Demozay fait des toiles très colorées, avec des formes qui s’affrontent ; les miennes tournent autour du noir, du gris, du blanc. Ce qui nous rapproche c’est le geste. Nous nous inscrivons dans la tradition d’une peinture radicale, expressionniste pour moi, et minimaliste pour lui. Nous souhaitons repousser les limites dans notre travail. Demozay a exposé longtemps chez Jean Fournier, une grande galerie parisienne, Thupinier à la Galerie Stadler, autre galerie réputée. Nous représentons cet Art Moderne où le geste et la construction sont importants. Dans cet expo, j’ai une partie de papiers découpés, réassemblés de façon très libre, c’est très brutal, je ne cherche pas la facilité, comme on dit au rugby « ça va piquer ! ».               Thupinier est un peintre plus matiériste, il travaille avec de la colle, sur des sortes de bas-relief, avec des phrases déclinées. C’est une peinture qui vous prend.

Comment avez-vous débuté dans la peinture ?

En tant que peintre j’ai commencé très tôt. J’ai beaucoup fréquenté le groupe 50, un collectif d’artistes toulonnais : Eugène Baboulène, Jacques Bartoli, Pierre Anfosso. Mon père était peintre, il a présidé le Groupe 50, on fréquentait la Galerie la Palette, rue Paul Lendrin, où j’ai d’ailleurs exposé. Je voulais sortir de cette peinture, qui était de qualité, mais avec une vision trop passéiste et réductrice. Pour moi, elle n’avait pas pris en compte l’évolution de l’art. Ils étaient restés à Bonnard et Vuillard. Mentalement je voulais aller plus loin. J’ai dû franchir des étapes pour arriver à ce que j’avais en tête. Je voulais me rapprocher de Motherwell ou De Kooning. Je me suis toujours battu pour la peinture, j’y suis très fidèle. Pour moi c’est un continuum, je ne me dis pas « tu vas faire ci ou ça ». Le travail sur les papiers, par exemple, avait débuté il y a quelques années. Puis l’été dernier, pendant toutes mes vacances, j’ai recommencé. Dans mon nouvel atelier je peux travailler sur plusieurs toiles en même temps, j’ai eu envie de continuer avec des grands formats de 2×1,40 m. Il n’y a pas de cassure nette dans mon travail, je reste dans un cadre mais ma peinture évolue beaucoupJe pars avec une vague idée de l’œuvre que je veux réaliser, mais ce qui compte c’est l’élan, l’énergie de départ. J’ai une envie, une idée, elle se précise, elle revient sous une autre forme. DeKooning disait que sa peinture évoluait d’erreur en erreur, jusqu’à ce qu’une œuvre émerge. Nous avons malgré tout des schémas mentaux qui nous guident, au fil des années quelque chose malgré soi se constitue.Ce n’est pas vraiment une page blanche. Je suis beaucoup moins angoissé aujourd’hui. Souvent on veut mettre trop de choses dans le même tableau. Avec l’expérience on modère ses ambitions, et on se contente d’une certaine forme. On simplifie en vieillissant. On prend plus de recul par rapport à ce qui est fait. Mais ce que je montre là n’est pas apaisé du tout, c’est assez brutal. Si on compare mes débuts avec ce que je fais aujourd’hui ça n’a aucun rapport, dieu merci.

Quelles sont les expositions que vous avez réalisées à l’Hôtel des Arts qui vous ont marqué ?

J’en ai énormément. J’ai montré beaucoup d’artistes dans ma galaxie Sean Scully, Tapiès, Günther Förg. J’ai montré quelques-uns des plus grands artistes de l’époque : Yannis Kounellis, Giorgio Morandi. Aussi des expositions thématiques dont je n’étais pas commissaire car je connais mes limites, avec des œuvres magistrales de Giacometti, ou celle sur le poète André Dubouchet, extraordinaire. J’ai fait Gotthard Graubner, Clavet. J’ai des souvenirs extraordinaires de cette expérience. Bernard Veney a eu un rôle très important car il a accepté d’exposer au début, lorsque nous avions besoin de visibilité, et d’artistes qui nous faisaient confiance. J’ai montré aussi des artistes que je trouve formidables mais moins connus, j’essayais de panacher.

Quelles sont vos influences ?

Certains artistes que j’admire beaucoup. Quand je mets les mains dans mes poches j’y trouve des milliers de doigts (Ingre). Les artistes qui m’ont marqué : Kimura, son exposition à l’Hôtel des Arts, et celle de cet été à Châteauvert. C’est un peintre japonais qui est parti de Bonnard et qui a fait une peinture de plus en plus libre, en restant vaguement figuratif. Ce qui compte dans l’Art ce n’est pas le message c’est la façon de faire. Tapiès, bien sûr. Puis des artistes dont je me sens proche : Sean Scully, Günther Förg, Stuart Cumberland, Bram Van Velde. Marek Csezsny est un grand ami, c’est quelqu’un dont je suis proche.

 

Comment voyez-vous le renouveau du centre ancien ?

C’est une divine surprise. Depuis nombreuses années Toulon perdait de sa substance, j’en souffrais beaucoup. De voir tout ce quartier qui est en train de renaître c’est vraiment formidable. J’espère que cela marchera, c’est un challenge à relever. Quand on dit : « A Toulon, il n’y a rien », c’est grotesque. Au contraire depuis quelques années, la ville a complètement changé. A Châteauvallon, on a vu les plus grandes compagnies. Avec le Liberté Scène Nationale, l’Hôtel des Arts, la Villa Noailles, la Villa Tamaris Pacha, nous sommes très bien pourvus. Plus aujourd’hui toutes ces galeries, on ne peut pas se plaindre. J’ai l’impression que beaucoup de jeunes artistes sont très prometteurs. Ce que je vois chez les Frangines, ou à la Porte Etroite, c’est très intéressant. La Province n’a plus rien à envier aux grandes villes. Les personnes de l’extérieur sont très surprises par le développement de Toulon, nous nous en rendons moins compte.

 

En exposition à la Galerie du Canon jusqu’au 3 février

Site web de la Galerie du Canon