Groundation – Lumières universelle et personnelle.
En concert au festival de Néoules le 18 juillet.
Je m’entretiens avec Harrison Stafford, chanteur et fondateur du groupe de reggae californien Groundation alors qu’il vient de terminer les balances du premier concert de la tournée à Paris. Le groupe présentera « Candle Burning », son nouvel album incandescent, le 18 juillet au festival de Néoules. Son leader partage sa vision d’une musique vivante, spirituelle et engagée. Entretien avec un bâtisseur de ponts entre jazz, reggae et humanité.
Vous avez enregistré « Candle Burning » en analogique et en sessions live : pourquoi ce choix aujourd’hui ?
C’est une démarche fidèle à notre esprit depuis les débuts, mais ici, on l’a poussée très loin. On voulait capter la musique dans son essence la plus brute, la plus vivante. Pas de montage, pas de corrections. On joue tous ensemble, en direct, comme dans un concert. On a enregistré sur bande magnétique, au studio ICP en Belgique. Chaque rouleau coûte cher donc on n’avait que trois bandes. Ça veut dire deux prises maximum. Il faut être prêts, concentrés, soudés. Et cette contrainte donne une intensité unique à chaque performance. Il faut tout donner, maintenant.
L’album porte un message fort, entre spiritualité et espoir. Quelle en est la philosophie ?
« Candle Burning » parle de lumière, au sens littéral comme symbolique. Il y a deux types de lumière : celle de l’univers, éternelle, puissante, pleine d’amour — et celle de notre propre flamme, fragile, temporaire. C’est ce que Mutabaruka évoque dans la chanson « The light ». On vit un moment bref, mais on peut transmettre notre lumière aux autres, leur donner de la force, de l’espoir. Ce message est universel, c’est un appel à la résilience, à la solidarité, à la conscience. Même quand tout semble vaciller, on doit garder la foi.
Musicalement, Groundation reste un mélange unique de reggae et de jazz. Comment cette alchimie fonctionne-t-elle ?
C’est ce que j’ai au fond de moi. Le reggae m’a donné le rythme et le message, le jazz m’a offert la liberté et la profondeur. Depuis 1998, Groundation explore cette rencontre. On joue avec les signatures rythmiques, les improvisations, les harmonies inhabituelles. Par exemple, sur « Trust Yourself », on traverse les douze tonalités ! Et tous les solos sont enregistrés live. C’est une conversation entre musiciens.
Vous avez invité des légendes sur cet album : Alpha Blondy, Mykal Rose, Mutabaruka, Thomas Mapfumo…
C’est un honneur immense. Alpha Blondy et Mykal Rose sont des piliers du reggae. Mutabaruka, c’est une voix spirituelle et poétique unique. Et Thomas Mapfumo… il est peu connu en Europe, mais c’est un musicien important, un peu le Fela Kuti du Zimbabwe. À quatre-vingt ans, il chante encore avec une puissance incroyable. Il y avait une grande émotion en studio. On voulait aussi faire découvrir ces artistes à une nouvelle génération. Et avec le mix de Jim Fox, on leur rend hommage avec la meilleure qualité sonore possible.
Sur scène, qu’est-ce que ça donne ?
C’est électrique. Dix musiciens, ceux qui ont enregistré l’album. Ce n’est pas un groupe avec une star et ses musiciens : on est un collectif. Trois chanteurs principaux, un groove organique, une vraie interaction. À chaque tournée, on s’améliore, on affine notre énergie. Et le public le ressent. On est là pour partager quelque chose de vrai.
Et le public français dans tout ça ?
Il est incroyable. La France nous a adoptés dès le début. Je le dis souvent : si Groundation est toujours là aujourd’hui, c’est grâce au public français. Ils auraient pu rejeter notre style hybride, nos solos longs, notre approche différente. Mais au contraire, ils nous ont encouragés. Ce soutien nous a permis d’avancer. Miles Davis, Pink Floyd… nombre d’artistes ont été célébrés ici avant de l’être chez eux. Alors « merci beaucoup » (en français).
Fabrice Lo Piccolo