Guillaume Mika – Doit-on toujours choisir ?

Prénom Nom – Les 14 et 15 décembre Le Liberté à Toulon

Le toulonnais Guillaume Mika est metteur en scène. Mais aussi comédien, vidéaste, musicien, passionné de sciences, et j’en passe. Dans cette comédie théâtro-scientifique, il se pose cette question du choix, et notamment des choix de carrière que l’on nous impose pendant notre scolarité, en mettant en scène un tardigrade. Mais c’est quoi donc ?

Peux-tu nous parler de cette théorie d’Ernst Von Haeckel et des tardigrades ?
C’est une théorie proposée à la fin du XIXème par un jeune scientifique, fan de darwinisme, qui dit qu’un embryon humain récapitule pendant son évolution l’ensemble du champ des vivants. Tout le monde parlait de ça à ce moment-là. Mais il s’est avéré que ses dessins étaient faussés et elle est tombée dans l’oubli. Poétiquement, je l’ai trouvée intéressante et j’ai imaginé qu’après un mois de grossesse, on serait peut-être à l’état de tardigrade. C’est un insecte invertébré de 0,3 mm très maladroit. La métaphore sociale m’intéressait. On n’a rien à faire du monde microscopique, il n’y a pas de Brigitte Bardot du microscopique ! Cet insecte est très étudié depuis dix ans car il a la faculté quand il est stressé d’entrer en cryptobiose : il s’auto-dessèche et devient quasi indestructible. C’est un animal fascinant et quand on le regarde, il provoque cet effet « oh il est mignon ». On en fait même des peluches ! Et j’avais un autre sujet en tête, l’évolution scolaire, je m’en suis donc servi pour en parler.

Justement, quel est le rapport entre ce tardigrade et l’évolution scolaire ?
Je dirais la classification du vivant et les cases sociales. Je voulais parler des CIO (Centre d’Information et d’Orientation) avec des gens qui ont un job central et un peu fou d’être à la fois psychologues, cartographes des métiers et accompagnants. J’ai passé plusieurs années à étudier l’évolution, le darwinisme, avec cette question du choix : qu’est ce qui fait qu’une espèce va survivre ? J’étais aussi intéressé par le déterminisme social. Dans mes études, j’ai été confronté à ces problématiques de choix : je voulais tout faire, tout apprendre, et je me demandais pourquoi on classifiait. J’étais entre les arts et les sciences, mais le mélange ne se faisait pas. Dix ans plus tard, je suis heureux d’arriver à mélanger. Ce spectacle est une métaphore, à l’heure de la réforme Blanquer et de Parcours Sup, avec ce gros bordel dans les choix d’options. Ce tardigrade serait un peu un élève dyspraxique, pas dans les clous, il y a une absurdité à lui faire choisir un métier. Mais c’est avant tout une comédie de science-fiction ludique et joyeuse.

En quoi est-ce important pour toi artistiquement de mélanger les genres, et ici du cirque (contorsion) ?
Ce n’est pas un choix intellectuel, j’éprouve beaucoup de plaisir à le faire. Le sujet est déjà hybride, le tardigrade, l’éthologie, l’orientation scolaire… Je mets du temps à écrire, il y a un long processus de tri, et à un moment je chope une fiction et je me demande comment décaler le regard. J’aime pratiquer plusieurs disciplines, la musique, la vidéo… Là, il y aussi la rencontre avec Adalberto Fernandez Torres et le costume créé par Aliénor Figueiredo. Comment un corps de contorsionniste peut arriver à faire vivre ce costume très difficile à manipuler ? Il me permet aussi de parler d’anthropocentrisme. On interprète les mouvements de ce tardigrade. Est-il vraiment joyeux à ce moment-là ? Répond-il vraiment ? Ou est-ce qu’on l’imagine ?

Tu co-réalises au plateau la musique avec Vincent Hours, que nos lecteurs connaissent bien, peux-tu nous en parler ?
Vincent est le maître du son, il crée la musique et le design sonore. Moi j’utilise sur scène le thérémine, le premier instrument électronique inventé au début du XXè. C’est le seul instrument sans contact physique, il fonctionne avec des ondes électromagnétiques, on cueille les notes dans l’espace. C’est à l’image de ce microscope, avec lequel je regarde le tardigrade, qui permet de voir l’invisible.

Ce spectacle a été soutenu par Châteauvallon-Liberté Scène Nationale…
Le Liberté est un partenaire très présent. Ils m’ont permis de faire deux résidences à Châteauvallon, et on est très content de pouvoir y jouer ce spectacle car nous n’avions pas pu y présenter le précédent à cause de la pandémie.

 

Fabrice Lo Piccolo

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