Guillaume Mika – Nous sommes dans le sur-taylorisme

Du 28.10 au 02.11 – Liberté Scène Nationale

 

« La Flèche », c’est le surnom donné à Frédérick Winslow Taylor, le mondialement célèbre créateur de l’Organisation Scientifique du Travail. C’est également le dernier spectacle de la Cie des Trous dans la Tête, une biographie fantaisiste de Taylor. A travers ce retour sur des techniques du siècle dernier, Guillaume s’interroge sur l’évolution de la société et des rapports humains dans le monde du travail.

 

Comment est né cet intérêt pour le taylorisme ?

Durant les dix dernières années, j’ai mené une série d’enquêtes, pour différents projets, autour du travail et notamment du management moderne. J’étais particulièrement intéressé par toutes les nouvelles techniques managériales autour de la question du bien-être et de la créativité au travail. On continue de stimuler les travailleurs dans des buts de rentabilité. En me renseignant, je trouvais beaucoup d’entrepreneurs qui levaient le poing, en criant : « le taylorisme est mort ». J’étais surpris qu’ils soient aussi péremptoires. Je me suis donc renseigné sur Taylor et son oeuvre. J’avais en tête ces images d’aliénation du travailleur, de la déshumanisation au travail, comme dans « Les temps modernes » de Charlie Chaplin. En réalité, j’ai découvert une personnalité complexe, un chercheur qui se posait avant tout la question de l’efficacité. Je me suis rendu compte qu’en fait, nous sommes aujourd’hui dans une sorte de sur-taylorisme, et que l’on camoufle simplement les signes extérieurs du taylorisme. On distingue moins facilement l’aliénation du travailleur, mais en réalité, ce qui compte, c’est toujours l’efficacité.

Vous utilisez des procédés hors du commun pour la scénographie de votre spectacle…

Tout part de cette joie théâtrale de « faire un spectacle analogique », avec beaucoup de bricolage, de mécanismes à effet domino. Dès le début des répétions, nous avons commencé à construire des machines. Les rapports humains s’inscrivent dans ce cadre de construction commune. Avec Zoé Bouchicot, la scénographe, nous avons travaillé sur le développement de cette machine. Plus le spectacle avance, plus le taylorisme devient présent dans la construction. Et les relations entre acteurs se détériorent. La machine crée une illusion de beauté, de force, de fonctionnement parfait. A l’intérieur de cela, ce sont les rapports humains que l’on questionne.

Vous êtes metteur en scène, vidéaste, comédien et musicien, les quatre sont-ils indissociables dans votre travail ?

Indissociable non. Pour la mise en scène, les médiums interagissent de manières très différentes dans mon imaginaire. Quand je vais créer, avoir une idée, je l’envisage de façon différente selon que je l’imagine en musique, pour le dessin, pour la mise en scène… Cela crée de la richesse. Je peux avoir des angles de vue différents autour d’un même sujet. Connaître ces métiers-là me permet également d’avoir un vocabulaire commun avec mes collaborateurs. J’en ai besoin, par hygiène artistique.

Quel aspect travaillerez-vous pendant votre résidence au Liberté ?

Nous avons créé le spectacle en mai dernier au théâtre Joliette-Minoterie à Marseille. En novembre prochain, nous aurons des dates au théâtre de Vanves. J’avais envie de continuer à creuser… au niveau de l’écriture, de la dramaturgie, du rythme. Au Liberté, on est cocooné, c’est parfait pour nous. Nous sommes dans de bonnes conditions techniques, dans une salle de qualité. Cela nous permet de nous mettre en confiance, avant nos prochaines dates. C’est un spectacle qui est tellement technique, complexe quant à la manipulation des objets, de la construction de la machine… Après six mois avoir plus de temps de répétition nous permet de nous réaccaparer le spectacle.