Isabelle Magnin – Une proposition singulière pour une époque singulière

DANSE
“Le vol d’Icare”
En résidence à l’Espace des Arts, au Pradet.

Après avoir créé et exploré pendant près de vingt ans la petite boîte aux dimensions réduites de son spectacle  « Le vol d’Icare », Isabelle Magnin met cette structure scénographique à la disposition des chorégraphes de son  territoire afin d’établir un manifeste chorégraphique autour de la thématique du confinement.

Avec ce projet, vous réutilisez un dispositif  créé il y a vingt et un ans que vous mettez  à disposition d’artistes. Pourquoi cette  scénographie est-elle toujours actuelle ?

Ce dispositif scénographique est une boîte de  dimension très réduite, à l’origine un hommage à  Mandela, une réflexion sur l’absence de liberté et son  dépassement. Lors du premier confinement, je me suis  rendue compte que cette situation m’était familière,  puisque j’avais déjà réalisé de nombreux projets dans  ce dispositif, et je me suis demandée comment en  faire quelque chose de nouveau. Avec mes réflexions  sur un travail collectif des artistes, véritable révolution  artistique, cela a donné naissance à cette proposition  faite à l’ensemble des chorégraphes du territoire. Pour  l’instant, Hélène Charles et l’équipe de Artmacadam,  Maxime Cozic, Désirée Davids, Sylvain Lepoivre,  Simonne Rizzo et Elena Bosco y ont pris part, mais  d’autres devraient se joindre au projet, et j’ai même  des demandes au delà de l’aire toulonnaise. 

Dans le domaine de la danse, on aurait  tendance à croire que l’enfermement annihile  le mouvement. Vous montrez l’inverse. 

Ma réflexion à l’origine portait sur ce qui, dans la  danse, donne ce sentiment immédiat d’enfermement : l’absence d’espace. J’ai transposé cela avec cette  boîte, dans laquelle les danseurs sont dans l’incapacité  de se mouvoir de façon classique, et se voient obligés  de questionner leur langage artistique. Je voulais  également travailler avec des créateurs nombreux,  pour donner à voir la diversité des imaginaires et des  langages possibles dans un fort état de contrainte, et  montrer qu’en période de confinement, les artistes  travaillent, restent actifs, dans la création mais aussi  dans leurs échanges : je mets à disposition ma boîte,  mais il y a aussi des moments où l’on se retrouve :  on partage sur le travail des autres, on se soutient  moralement, c’est très fécond.  

In fine, ce projet se veut « un manifeste  qui s’oppose à toutes les restrictions de  nos espaces de création », comment ? 

Je ne conçois pas ce projet comme un spectacle mais  comme un manifeste au sens politique du terme, avec  une unité de forme (temps délimité pour chaque  artiste), qui démontre la capacité des créateurs à  dépasser la contrainte, à chercher sans cesse des  solutions. Après la crise, l’idée est de mettre en œuvre  des restitutions dans des espaces publics, parcs,  jardins, etc. Pour ceux qui voudraient découvrir ce  manifeste, mais également pour ceux qui passeraient  par là par hasard. Ils pourraient alors s’arrêter,  regarder, découvrir, échanger. L’idée est réellement  de montrer que nous ne nous sommes pas éteints, à la  fois aux institutions mais aussi au public.  

Qu’est-ce qui vous a donné envie de  faire une œuvre collective ? 

Pour moi c’est très important. Depuis plusieurs  années, je me pose la question de ce je peux faire  en tant que chorégraphe pour créer véritablement  avec le public. Quelles seraient les formes artistiques  qui permettent de réinventer la relation entre les  artistes et le public, sans gommer les spécificités de  notre métier ? Je considère qu’en tant que créatrice,  j’ai ma place dans la société ; au milieu des gens, avec  eux. Toutes ces formes de travail collectif participent  à changer le regard du public sur les artistes. Nous  ne sommes pas du tout « non essentiel », la culture  marque et raconte une époque. Pauline Cuby 

Site internet de la Cie Grand Bal