Jasmine Roy – L’âge d’or de Broadway à Toulon

South Pacific – Du 25.03 au 29.03 – Opéra de Toulon.

South Pacific est la nouvelle création ambitieuse qui nous est réservée cette année par l’Opéra de Toulon. C’est sous la direction d’Olivier Bénézech que l’on redécouvrira ce chef d’oeuvre incontournable de Broadway des deux génies de la comédie musicale : Rodgers & Hammerstein. Jasmine Roy, qui a travaillé entre autres avec Michel Legrand, Marcus Miller ou Al Jarreau, et est chevalier dans l’ordre des Arts et Lettres sera l’une des chanteuses principales de la pièce, incarnant le personnage de Bloody Mary.

Vous avez un parcours prestigieux dans la comédie musicale, quelles sont les spécificités de ce type de chant ?

Le chanteur de comédie musicale a un placement comparable au chanteur lyrique, mais avec un son plus en avant dans la bouche. Aux Etats-Unis, on nous demande si on chante « legit », c’est à dire en utilisant des techniques légitimes. On peut faire un grand raccourci en disant que le chanteur de comédie musicale se positionne entre le chanteur lyrique et celui de variété. Mais c’est essentiel d’avoir de la technique. À Broadway, nous faisons sept à huit représentations par semaine, il faut que notre voix tienne ! En plus de chanter legit, il doit avoir une voix parlée bien placée et bien souvent danser en même temps !

L’intérêt de cette création réside-t-il dans le fait de redonner vie à une célèbre comédie musicale, ou de la réactualiser ?

Avant tout, je tiens à saluer l’Opéra de Toulon, qui a énormément de courage de produire une comédie musicale tous les deux ans. « South Pacific » est un grand classique, qui appartient à l’âge d’or de Broadway. La pièce a été reprises maintes et maintes fois aux Etats-Unis. Il y a même eu un film dans les années 50 et un téléfilm. Pour cette adaptation, nous avions la volonté d’être plus justes et réalistes que dans les versions américaines. Je crois par exemple que c’est la première fois que le personnage d’Émile de Becque, un français, sera interprété par un français. Nous aurons plus de français dans les dialogues, entre autres ajustements pour coller davantage à la réalité.

Parlez nous de votre personnage…

Je suis ravie de jouer dans cette création. Depuis que je suis en France, j’ai pu travailler dans plusieurs comédies musicales qui ont bercé mon enfance au Québec. Cette fois, c’est une redécouverte. J’ai la chance de pouvoir, sans prétentions, recréer un personnage plus fidèle à la réalité. Les versions américaines ont souvent présenté les personnages de façon caricaturale. Surtout le mien, la tonkinoise Bloody Mary, qui est toujours représentée à la façon de la Thénardier des Misérables. Dans l’idée de Bénézech, elle est bien sûr tenancière, ancienne prostitué, mais elle présente plus de subtilités. On peut d’ailleurs penser qu’elle est moitié vietnamienne moitié française… La volonté du metteur en scène est d’avoir un regard plus françaisn avec un recul et un réalisme historique, social et politique. Il ne faut pas oublier que l’histoire se déroule en polynésie française.

Comment une telle pièce résonne-t-elle aujourd’hui ?

Certaines situations nous ramènent autant à un côté historique qu’à notre vie quotidienne. L’histoire se situe dans le cadre particulier de la Seconde Guerre Mondiale, le conflit entre américains et japonais, sur le territoire français. Avant tout, South Pacific traite de sujets modernes. La condition de la femme par exemple est un sujet auquel Olivier est très attaché. Le racisme est malheureusement toujours autant d’actualité… C’est aussi, il faut le dire, une grande histoire d’amour. Je ne sais pas si c’était l’intention initiale des auteurs de créer une oeuvre sociale, en tout cas c’en est devenu une. South Pacific défend une cause, tout en nous amenant dans l’onirique. Nous créons une comédie musicale, nous sommes donc aussi là pour proposer du rêve !