Jean-Marc Avrilla – Qu’est ce qu’une école d’art et à quoi conduit-elle ?

ESADTPM

Vous voulez savoir à quoi pourrait ressembler votre expérience dans votre future école ? Le directeur répond à toutes vos questions.

Comment choisir le diplôme à viser dans votre école ?

Je ne crois pas que le choix soit surdéterminé. C’est la personnalité de l’étudiant et sa relation au réel, à la notion d’usage qui va déterminer son choix entre art et design.

Quelle est la valeur d’un étudiant sur le marché du travail ?

C’est complexe parce que le marché du travail n’est pas homogène. L’atout de nos étudiants est leur capacité d’adaptation à des milieux différents, à travers des pratiques, des contextes, des publics différents. Selon les choix que vous faites, si vous voulez vivre de votre travail d’artiste, vous pouvez avoir des modèles d’insertion très différents : d’une activité classique salariée à des modèles plus sophistiqués et plus en lien avec la souplesse actuelle du marché. Aujourd’hui, cela correspond à une pluriactivité rémunératrice. Ce sont des modèles économiques qui ne sont pas forcément très étudiés, mais ce sont ceux des indépendants.

Comment vos professionnels de l’enseignement accompagnent-ils les élèves ?

Déjà, 80% de nos enseignants sont des professionnels, artistes, responsables de structures ou architectes, et leur activité est directement en lien avec les enseignements donnés à l’école.

Vous gérez une trentaine de professeurs permanents et une trentaine d’intervenants. Quels sont les difficultés et les enjeux avec une telle équipe ?

Ça paraît beaucoup, mais c’est dans la moyenne des autres écoles. Cela demande beaucoup d’attention à l’organisation de l’emploi du temps. La difficulté est de combiner le temps d’enseignement et le temps de travail personnel pour un étudiant. Il faut le prévoir de façon annuelle, semestrielle, mensuelle, hebdomadaire et quotidienne.

Quels sont les partenaires pédagogiques de l’ÉSADTPM ?

Nous avons des partenaires qui interviennent pour différentes raisons. Il y a des stages obligatoires en premier cycle avec des structures artistiques, des artistes, ou des artisans, mais toujours des acteurs culturels. En deuxième cycle, il y a des stages plus longs. Hors stage, nous avons aussi des partenaires pédagogiques qui offrent la possibilité de développer des compétences particulières et très concrètes. Je pense par exemple à l’Université, sur des projets de recherches, d’expertises scientifiques, des projets liés au terrain, comme l’aménagement du campus qui permet une approche méthodologique d’enquête pour les étudiants en design.

Vous apportez aussi à vos étudiants différents points de vue en sciences humaines, en quoi est-ce important de les questionner sur la place de l’art dans notre société ?

Il s’agit de questionner la manière dont la société s’organise, dont elle vit, donc évidemment la place de l’art. Cela a toujours posé question. Pourquoi a-t-on besoin de produire des objets et des formes qui n’ont pas d’utilité ? Les sciences humaines dans une école d’art ont vocation à interroger cela, mais aussi à interroger la société, pour comprendre comment elle fonctionne et mieux identifier la place que l’on souhaite avoir dans cette société en tant qu’artiste.

Quelle quantité de voyages peut-on faire durant un cursus complet ?

Ce n’est pas quantifiable. Mais un étudiant part au minimum deux ou trois fois en voyage d’étude, dès la première année. C’est même une règle dès la première semaine. Il découvre des lieux à Marseille, Nice et dans la métropole. Il y a aussi des moments phares avec la Documenta, la Biennale de Venise et celle de Lyon, qui ont lieu en deuxième et troisième année.

Comment apprennent-ils à mettre en espace leurs travaux ?

C’est une préoccupation qui commence dès la première année, à travers des bilans semestriels. Ils doivent mettre en espace leurs propres travaux, sur un plan, ou en volume. En deuxième année, on leur demande d’accrocher cela dans un espace. C’est quelque chose de régulier. Ce sont des moments d’essai et d’expérimentation. Les enseignants et artistes les accompagnent et discutent des œuvres et des qualités de représentation de leur propre travail. Depuis cette année, nous avons des enseignements spécifiques sur le déploiement des œuvres dans l’espace. C’est lié à ce nouveau bâtiment, sans angle droit, avec du béton, qui appelle des artifices, des cimaises.

Qu’est-ce qui est intéressant à vos yeux dans cette exposition des jeunes diplômés ?

Elle fait partie d’un des dispositifs d’accompagnement des diplômés après l’école. Nous assurons un suivi qui permet de ne pas lâcher les diplômés dans la nature après l’école. Il y a des rendez-vous proposés six mois après l’école, pour faire le point, et il y a cette exposition un an après leur sortie qui leur permet de défendre le travail fait dans l’école. C’est l’occasion de les aider à valoriser leur travail. Nous proposons aussi des résidences, en collaboration avec les trois écoles du Sud via l’association « Voyons voir ». Nous proposons également une résidence à Chateauvert, plus institutionnelle, comme celle de Lena Dur qui aura lieu bientôt. Egalement Miramar, un dispositif de résidence à l’etranger dans le bassin mediterrannéen. Nous mettons aussi en place un partenariat avec le Pôle Arts Plastiques de Six-Fours. Ils peuvent également toujours venir utiliser les ateliers de l’école pour un appui technique. Pour nous, c’est aussi un bon moyen de maintenir un lien avec eux et de les faire rencontrer les étudiants actuels.

Qu’est-ce qui différencie les étudiants d’aujourd’hui comparés à ceux d’hier à vos yeux ?

J’ai vu une évolution du positionnement de l’école, les étudiants ont plus d’assurance aujourd’hui qu’ils n’en avaient il y a dix ans. L’école a renforcé ce qu’elle renvoie. L’étudiant est aussi rassuré par ce nouveau bâtiment. C’est peut être curieux mais l’objet sculpture rend de la matérialité. Les pratiques évoluent, il y a des appétences par génération, les étudiants sont des éponges et absorbent les nouveautés, l’actualité. J’ai aussi l’impression qu’ils ont une certaine indépendance aujourd’hui par rapport aux grands courants artistiques, c’est un vrai sujet.

En quoi consiste le programme de professionnalisation ?

On a un programme multiple qui s’appelle “À suivre” destiné à rencontrer des professionnels de la diffusion et des questions juridiques et fiscales. Nous participons également à un programme avec le Conservatoire TPM(1) et le Port des Créateurs(2) qui implique d’autres disciplines artistiques.

Comment fonctionne ERASMUS pour un étudiant en Art ?

Quelle que soit la discipline, c’est l’idée de partir un semestre ou moins en UE ou dans une école signataire de la Charte. On va dans une autre école et on suit son programme. Cela permet de parler une autre langue et d’aborder son travail avec d’autres méthodes. C’est aussi une manière de commencer à se constituer un réseau d’étudiants, d’enseignants et d’artistes. Dans notre école, de manière générale, le lien est très fort entre étudiants et enseignants.

Maureen Gontier