Jean-Paul Raffit – Quand chaque note se met au service du cinéma.

HORS-SÉRIE FiMé 2025

« Gosses de Tokyo », accompagné par l’Orchestre de chambre d’hôte, vendredi 7 novembre au Six n’étoiles à Six-Fours-les-Plages.

 

Le guitariste Jean-Paul Raffit et la flûtiste Isabelle Bagur invitent le public à redécouvrir « Gosses de Tokyo » à travers la musique. Dans ce ciné-concert où chaque note, chaque silence, chaque improvisation sont pensés pour soutenir le film et créer un dialogue subtil entre l’image et le son, l’orchestre devient invisible… et l’émotion seule demeure.

Comment avez-vous découvert le ciné-concert ?
C’est une rencontre qui a tout déclenché. Jacques Vergne, directeur d’un cinéma d’art et essai en Ariège, m’a invité il y a une quinzaine d’années à improviser sur deux films muets : « La circulation à Paris en 1900 » et un documentaire sur Moscou dans les années 50. J’ai été immédiatement séduit par l’expérience : le fait de donner un souffle sonore à des images silencieuses, de faire revivre une époque à travers la musique. Très vite, d’autres programmateurs m’ont sollicité et les projets se sont enchaînés, notamment dans des festivals de cinéma et d’architecture. Ce fut pour moi un vrai coup de cœur, mais aussi une nouvelle voie artistique et professionnelle : le ciné-concert apporte une diversité rare, il permet de sortir du cadre habituel du concert pour inventer une autre manière de dialoguer avec le public et avec les œuvres.

Pourquoi avoir choisi d’accompagner « Gosses de Tokyo » au festival FIMé ?
Ce film d’Ozu, chef-d’œuvre du cinéma muet japonais des années trente, est d’une grande modernité. On y suit deux jeunes frères confrontés à la vie de banlieue et aux tensions familiales, un récit simple en apparence mais qui touche à l’universel. L’ Orchestre de chambre d’hôte a intégré ce film à son répertoire il y a déjà plusieurs années, car il offre une matière incroyable à la musique : la subtilité des émotions, la lenteur poétique, la place accordée au quotidien. Pour le FiMé, nous avons choisi de le présenter en duo : guitare électrique et flûte. Ce format resserré permet une grande intimité et met en avant l’essentiel, l’écoute mutuelle et le lien direct avec le film. C’est aussi un hommage à Ozu, un cinéaste qui savait magnifier la simplicité et donner une valeur artistique au moindre geste du quotidien.

Votre musique est-elle plutôt écrite ou improvisée ?
Les deux. J’ai composé des pièces spécialement pour ce film, mais nous laissons aussi des espaces d’improvisation. Nous connaissons le film par cœur, avec un découpage précis et des points de rendez-vous. Entre ces repères, nous nous autorisons une liberté qui permet de garder la musique vivante et toujours en mouvement. Ce travail nous permet de soutenir la dramaturgie sans jamais écraser l’image.

Quelle place occupe la musique dans un ciné-concert ?
Elle est à la fois discrète et essentielle. Le cinéma muet n’était jamais totalement silencieux : la musique lui donnait sa dimension dramatique et poétique. Aujourd’hui encore, notre rôle est d’être au service du film, de prolonger sa force visuelle par le son. Dans « Gosses de Tokyo », cela signifie accepter les silences, respecter les respirations, mais aussi souligner les moments de tension ou la légèreté des jeux d’enfants. Elle doit être un fil invisible qui relie le spectateur à l’image, sans s’imposer. Ma plus belle récompense, c’est lorsque le public nous dit : « Nous avons oublié que vous étiez là. » Cela veut dire que nous avons réussi à nous effacer derrière le film, à en devenir une part intégrante. C’est là, pour moi, la véritable magie du ciné-concert : faire dialoguer un patrimoine cinématographique ancien avec une création musicale vivante.

Julie Louis Delage

 

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