Julia Sarr – Le vibrant jazz du monde
20.12 – Théâtre Marélios – La Valette-du-Var
La voix de Julia Sarr vous emmène dans les sphères d’un afro jazz touchant. On se laisse emporter par ce timbre limpide et cette puissance émotionnelle qui ont fait d’elle une choriste appréciée des grands noms de la musique : Fela Kuti, MC Solaar, Lokua Kanza, Richard Bona, Youssou N’dour, Salif Keïta, ou Alpha Blondy. Au confluent des cultures, Julia marie ses influences africaines et européennes dans une harmonie et une approche personnelle et intime.
Quelles sont les thèmes abordés dans vos chansons ?
Mes chansons sont comme des carnets de vie, des situations que j’ai traversées. Dans mon dernier disque, la chanson “Daraloudoul Yow” parle par exemple de la polygamie : c’est une femme qui demande à son mari de ne pas prendre de deuxième épouse. Ça me touche parce que ça fait partie de la culturelle africaine et que je suis très sceptique vis à vis de cela. Il y a également une chanson qui appelle à garder la foi quelles que soient les circonstances. Une autre parle des héros du Senegal : j’aime rappeler que l’on a eu une histoire avant la colonisation. “Salam Aleykum” est l’histoire d’un migrant qui fait la queue depuis 4h du matin pour avoir sa carte de séjour, c’est du vécu. Quand on a dormi sur place et qu’ils n’acceptent que cinquante personnes, si on est le cinquante et unième c’est dur. Ce sont des thèmes qui touchent les cultures françaises et africaines.
Pourquoi avoir fait ce choix de chanter ces thèmes sensibles en wolof ?
C’est la langue de mon enfance, celle du souvenir. Quand on est immigrée, installée en France depuis tant d’années, on se raccroche à ces choses qui nous ont construite. Je m’accroche à mes racines, c’est une forme d’hommage à ma culture. Evidemment, quand je chante au Sénégal, il y a des sourires, des émois. Mais selon moi, l’émotion n’a pas toujours besoin de mots, elle réside surtout dans le non-verbal : le ton, l’interprétation…
Comment vous est venue cette volonté de mélanger divers styles musicaux ?
Pour mon dernier disque, j’ai eu la vision d’un piano dans la savane. J’écoute de tout : du classique, notamment Ravel, du jazz…Je voulais emmener tout cela dans mon univers. Ce mélange de jazz européen et de chanson africaine a été permis notamment grâce à Fred Soul qui a en même temps une grande culture jazz et une grande culture classique. Ça donne une musique personnelle que l’on a appelée “Jazz du monde”.
Comment avez-vous formé votre trio ?
Ça s’est fait naturellement. J’ai rencontré cinq pianistes qui ont composé autour de mes mélodies et l’actuel, Fred Soul, a retranscrit leurs travaux. Il a fait les arrangements, et un gros travail de réalisation. Il est multiinstrumentiste, avec une connaissance du classique, de la musique africaine, du jazz… Le percussionniste, Stéphane Edouard, est pianiste également, et a une incroyable culture musicale, y compris dans la musique africaine. A force de travail, tout devient moins mystérieux, nous apprenons à aller dans la culture de l’autre. Il est très facile de mettre un musicien dans une boite : afro, jazz, etc. Moi, je veux casser ces codes.
Quel sera le répertoire abordé dans le concert ?
Il balaie mes deux albums existants. Nous aurons peut être de nouvelles chansons mais ce n’est pas sûr : elles ne sont pas finies, et on ne souhaite pas tester les chansons sur le public. Ces nouvelles chansons seront sur le prochain album, qui est pratiquement terminé. Il sera différent de ce que j’ai fait jusqu’à présent. Cela va surprendre. D’autant plus que le public qui suit un artiste préfère en général que celui-ci ne change pas beaucoup de style… Là, ce sera moins organique, avec plus de Fender Rhodes, de traitements… mais surtout pas de vocoder ! Aujourd’hui je prends le risque d’aller dans d’autres sphères, mais c’est surtout pour me faire plaisir.