Ka-In – Réinventer l’acrobatie marocaine pour la faire vivre encore longtemps.
Ka-in, les 3 et 4 octobre aux Théâtres en Dracénie à Draguignan.
À l’occasion de la présentation de Ka-In les 3 et 4 octobre prochains à Draguignan, la directrice artistique du Groupe Acrobatique de Tanger revient sur vingt ans de création et d’engagement. Entre héritage ancestral et écriture contemporaine, elle raconte comment l’acrobatie marocaine se réinvente aujourd’hui pour toucher un public toujours plus large.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce nouveau spectacle ?
C’est la sixième création du Groupe Acrobatique de Tanger. Chaque fois, nous invitons un metteur ou une metteuse en scène différent·e. Pour Ka-In, nous avions très envie de travailler avec Raphaëlle Boitel, car elle possède un univers très particulier. J’avais envie que les artistes plongent dans ce monde nouveau pour eux : un travail intime, en profondeur, sur le jeu d’acteur. Dès les premières résidences, nous avons été immergés dans cet univers, et la rencontre a été magnifique. Raphaëlle a su toucher les artistes au plus profond, par exemple, Hamad – notre grand porteur, habituellement si impassible – ému aux larmes durant un exercice, a été bouleversant. Ka-In est le fruit d’un an de travail ensemble.
Vous parlez de « réinventer l’acrobatie marocaine » plutôt que de simplement la défendre. En quoi ce spectacle s’inscrit-il dans cette démarche ?
Quand j’ai créé la compagnie il y a 21 ans, l’acrobatie marocaine était en voie de disparition. Cet art ancestral du XVe siècle risquait de s’éteindre, car les artistes partaient travailler à l’étranger dans des cirques traditionnels et ne revenaient pas, faute de reconnaissance. Pour moi, il s’agissait d’un joyau de notre culture populaire, qu’il fallait absolument préserver. Mais je voulais aussi lui donner un souffle nouveau : sortir de la simple répétition d’un répertoire immuable. La rencontre avec d’autres artistes et disciplines était essentielle. Réinventer l’acrobatie, c’est justement la défendre et la faire vivre plus longtemps, en l’ancrant dans l’actualité.
Ka-In parle de dépassement, d’identité et de fraternité. Quelle était l’intention artistique derrière ce spectacle ?
Avec Raphaëlle, nous avons beaucoup échangé. Dès la première résidence à Marrakech, il est apparu évident que nous devions parler d’humanité. Ka-In signifie d’ailleurs « l’être », en arabe. C’est un spectacle qui interroge nos rapports humains, notre fragilité, mais aussi notre énergie vitale. À travers le corps et le mouvement, nous explorons ce souffle intérieur qui relie chacun de nous au monde et aux autres. Ka-In est une célébration de la vitalité.
À Marrakech, Raphaëlle a découvert la richesse des identités marocaines et berbères. Cette culture a marqué l’écriture du spectacle : on la retrouve dans les costumes, dans certains choix scénographiques, dans la musique. Elle a su s’approprier ces éléments sans les dénaturer, en les intégrant avec respect et sensibilité.
Le Groupe Acrobatique de Tanger fête plus de 20 ans d’existence. Quel regard portez-vous sur ce chemin parcouru et sur l’avenir ?
C’est incroyable d’être arrivés jusqu’ici, car nous sommes une compagnie indépendante, sans subventions fixes. Cette fragilité est aussi une force : elle nourrit chacune de nos créations. Je suis fière d’avoir accompagné autant d’artistes et d’avoir croisé des metteurs en scène comme Aurélien Bory, Maroussia Diaz Verbèke ou Raphaëlle Boitel. L’avenir, je l’imagine avec la création d’un lieu au Maroc, pour donner aux artistes circassiens de vraies conditions de travail et préserver cette tradition. C’est urgent et nécessaire.
Enfin, que diriez-vous au public de Draguignan pour lui donner envie de venir voir Ka-In ?
Ka-In est un spectacle poétique, engagé et vertigineux, qui réunit treize artistes exceptionnels. C’est une rencontre entre la danse urbaine marocaine et l’acrobatie traditionnelle. Voir ces univers se mélanger est extraordinaire : des danseurs devenus acrobates, des acrobates devenus danseurs. C’est un spectacle haut en couleurs, à la fois drôle, émouvant et spectaculaire, qui s’adresse à toute la famille.
Grégory Rapuc