Guillaume Berthon – Marot et Ronsard

Hors-Série – Les Voix Animées

Guillaume Berthon

Marot et Ronsard : poésie et musique à la Renaissance.

Un des nouveaux programmes des Voix Animées sera consacré à Clément Marot et Pierre de Ronsard. Guillaume Berthon, maître de conférences à l’université de Toulon, nous en dit plus sur ces figures incontournables de la poésie française du XVIe siècle.

Vous êtes maître de conférences à l’université. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre spécialité ?

Je suis spécialiste de littérature de la Renaissance et de l’histoire du livre, avec un intérêt particulier pour des auteurs comme Rabelais, Marot et Ronsard.

Clément Marot est souvent considéré comme le premier « prince des poètes ». Pourquoi ?

Marot est le grand poète de l’époque de François Ier, reconnu comme une figure majeure de la première moitié du XVIe siècle. Son œuvre est protéiforme : il excelle dans la poésie légère, parfois gaillarde, mais aussi dans la poésie religieuse, avec ses traductions des psaumes. Sa carrière est marquée par l’exil pour des raisons religieuses. Pourtant, il reste une figure centrale de son temps, bénéficiant même d’une pension royale. Son succès tient aussi à son lien étroit avec la musique. Il écrit des paroles de chansons, notamment mises en musique par Claudin de Sermisy, maître de chapelle du roi. En 1528, Pierre Attaingnant met au point un nouveau procédé pour imprimer des partitions musicales à grande échelle, ce qui permet une large diffusion des chansons de Marot et Sermisy. Aujourd’hui encore, ses traductions des psaumes sont chantées dans les églises protestantes francophones.

Et Ronsard, en quoi se distingue-t-il ?

Ronsard arrive un peu plus tard, avec ses premières publications en 1550, après la mort de Marot. Son recueil « Les Amours » (1552), composé de sonnets à la manière du poète italien Pétrarque, marque un tournant. Contrairement à Marot, qui privilégie une poésie accessible et souvent teintée d’humour, Ronsard adopte d’abord un style plus savant et élitiste. Ronsard accorde également une grande importance à la musique. À la fin des « Amours », son éditeur propose un supplément musical, qui prévoit que les sonnets puissent être chantés sur un nombre limité de mélodies composées par des musiciens en vue (Certon, Goudimel, Muret ou Janequin). Son ambition est d’incarner le poète lyrique au sens antique, celui qui unit poésie et musique, à l’image d’un nouvel Orphée.

Quelle place occupe la musique dans leurs œuvres ?

Poésie et musique étaient intimement liées à l’époque. Marot, avec ses chansons et ses rondeaux, est à la source de la grande tradition de la chanson parisienne. Ronsard, de son côté, compose des odes qui sont aussi pensées pour être chantées. Un autre phénomène marquant de l’époque est celui que l’on appelle le contrafactum : il s’agit de reprendre une mélodie connue et d’y adapter un nouveau texte, comme transformer un chant profane en chant sacré.

Que pouvez-vous nous dire sur le programme choisi ?

Le programme met en avant des chansons d’amour, un thème intemporel. Certaines pièces sont drôles et satiriques, à l’image de l’esprit marotique. D’autres montrent la diversité stylistique de Marot, capable en quelques pages d’écrire une prière évangélique, de traduire l’Ave Maria et de composer l’épitaphe d’une prostituée.
Pour Ronsard, impossible de ne pas mentionner « Mignonne, allons voir si la rose », son poème le plus célèbre, qui est aussi une chanson. Son ambition de poète lyrique se retrouve pleinement dans ses textes destinés à être chantés.

 

La fleur des Musiciens

Le 3 octobre au Temple de Toulon, le 4 octobre à l’Écomusée du Thoronet, le 5 octobre à la Chapelle des Oblats à Aix-en-Provence.

Les Voix Animées commémorent ici la disparition de deux poètes majeurs de la littérature française, Clément Marot et Pierre de Ronsard, morts respectivement le 12 septembre 1544 et le 27 décembre 1585, il y a donc 481 ans et 440 ans. La chanson française de la Renaissance s’abreuva avec délectation à la source de leur verbe.

Clément Marot et Pierre de Ronsard aimaient passionnément la musique. Pour Ronsard, « la musique est la sœur puis-née de la poèsie, et les poètes et musiciens sont les enfans sacrez des Muses ; sans la musique la poèsie est presque sans grace, comme la musique sans la melodie des vers, est inanimée et sans vie ».
Il suscite lui-même la création de musique sur ses textes comme en témoigne l’étonnante édition des « Amours » « avec sa musique mise en la fin » imprimée en 1552 chez la veuve de la Porte, Catherine Lhéritier. Marot, quant à lui, avait les plus divers des talents, celui pour les lettres naturellement mais aussi celui pour la musique, il chantait. On se plaît dès lors à l’imaginer chantant les mises en musique de ses poèmes. La consécration de Clément Marot auprès de ses contemporains doit beaucoup au succès qu’il rencontra auprès des compositeurs de son temps.
La poésie de Pierre de Ronsard et de Clément Marot est musique, la lire ne suffit pas à lui rendre grâce, il faut l’entendre et mieux encore la chanter. Les Voix Animées se proposent de le faire aujourd’hui pour vous.

Clément Marot est né vers 1496 à Cahors et mort le 12 septembre 1544 à Turin. Secrétaire de Marguerite d’Angoulême puis de son frère le roi François Ier.
Pierre de Ronsard est né en septembre 1524 au château de la Possonière près de Couture-sur-Loir en Vendômois et mort le 27 décembre 1585 au prieuré Saint-Cosme de Tours, membre de La Pléiade.

Programme
Marot…
O souverain Pasteur et Maistre • Jacobus Clemens non Papa
Bonjour et puis quelle nouvelle • Orlande de Lassus
Tant que vivray • Claudin de Sermisy
Languir me fais • Claudin de Sermisy
Monsieur l’abbé • Orlande de Lassus
Jouissance vous donneray • Claudin de Sermisy
Vous perdez temps • Thomas Créquillon
Changeons propos • Claudin de Sermisy
En m’oyant chanter • Orlande de Lassus
Toutes les nuits • Orlande de Lassus
Ronsard…
Mignonne allons voir si la rose • Guillaume Costeley
Bonjour mon cœur • Orlande de Lassus
Je ne veux plus chanter • Orlande de Lassus
La terre, les eaux va buvant • Orlande de Lassus
Mars et Marte • Philippe de Monte
Petite nymphe folastre • Clément Janequin
Nature ornant la dame • Clément Janequin
Qui renforcera ma voix • Claude Goudimel
Ce ris plus doux • Antoine de Bertrand
Fricassée « Auprès de vous » • Anonyme (1531)
Distribution
NN, soprano / Laurence Recchia, alto / Maximin Marchand, contre-ténor / Damien Roquetty, ténor / Luc Coadou, basse / Pascal Gallon, luth

Fabrice Lo Piccolo

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