L’année Dominique A. – Retour aux sources

Dominique Ané de son vrai nom, dès ses débuts officiels avec La Fossette, et le single à succes Le Courage des Oiseaux, en 1992 a été acclamé par la critique. Il faisait partie de cette nouvelle scène Rock française, avec Miossec et son ami Philippe Katerine. En 1995, il trouve le succès grand public avec Le Twenty-Two Bar. En 2012 avec Vers les lueurs il remporte une Victoire de la Musique en tant qu’Artiste de l’année. Son album suivant Eléor remporte également un vif succès.

Avec ce nouvel opus et onzième album studio, Dominique effectue un retour aux sources, au temps de La Fossette ou de Remué. Il nous livre un album plus sombre, très électrique, voire électronique, qui laisse transparaitre toutes ses influences New Wave, notamment Joy Division, un de ses groupes de référence. Les atmosphères sont tendues, électriques, rythmées par sa toute nouvelle acquisition : une boite à rythme allemande, la Tanzbär. Le songwriting est comme toujours ciselé, marqué par son retour au pays nantais, avec des thèmes engagés, la défense de la cause animale, de la ruralité, et surtout un art du storytelling à nul autre pareil. Comme à son habitude les morceaux sont très mélodiques, mais il fait plus appel au parler-chanter, contribuant à cette atmosphère mystérieuse. Pour les clips, il a choisi les films d’animation de Sébastien Laudenbach,  nommé aux Césars pour son film La Jeune Fille sans Mains. En octobre, pour ses cinquante ans il sortira l’autre volet de ce diptyque, son autre versant : La Fragilité, un album en solo, acoustique, avec des accents de Léonard Cohen.

 

Cet album Toute Latitude marque un changement d’ambiances, alors qu’Eléor ou Vers les lueurs ont connu un vrai succès public, vous pensez nécessaire de vous mettre en danger à chaque album ?

Le mot est un peu fort. Il s’agit de ne pas s’ennuyer tout simplement. Les deux précédents albums fonctionnaient un peu en diptyque.  Eleor était une parenthèse très classique, avec de la douceur et des mélodies. L’album qui sortira à l’automne le sera également. Pour celui-ci, j’ai souhaité avoir des ambiances plus rêches, avec un rapport aux rythmiques très prononcé. J’étais entouré de fines lames, et ça a tiré le répertoire vers quelque chose de très énergique. C’est plus un mouvement de balancier qu’un désaveu. Il ne faut pas être là où on vous attend, mais faire en sorte que les gens qui vous suivent soient un peu surpris.

 

 

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de créer ce projet en deux volets ?

Ne pas savoir choisir. Pour une fois, je ne voulais pas être arrêté sur un seul projet qui m’accompagnerait pendant trois ans. Aujourd’hui un disque a une durée de vie beaucoup plus courte, cela donne de la liberté, on peut envisager d’en sortir plus souvent. Ça vient également d’une envie de vouloir tourner et pas forcément toujours dans les mêmes lieux. J’ai donc voulu faire plusieurs disques et on s’est arrêtés à deux. Ce n’était pas beaucoup plus de travail car en général pour un disque j’écris toujours trente ou quarante chansons.

 

Comment avez-vous créé ces nouveaux albums ?

Dans une pièce de 6m² sur un huit pistes numérique. Je me suis équipé : un synthé, une boite à rythme… Pour le premier disque je savais que ce serait la base du travail pour construire le disque. Pour le deuxième, nous avons fait des prises vocales et instrumentales, dans un cadre domestique, et je savais qu’on exploiterait celles-ci. La plupart des maquettes sont restées. On travaillait dans une forme de relâchement, ça a donc fonctionné facilement. Le morceau La mort d’un oiseau par exemple a été réalisé en une ou deux heures d’enregistrement. Ensuite nous avons retravaillé l’enregistrement pendant beaucoup plus longtemps.

 

A quoi peut s’attendre le public de Six-Fours ?

A une blitzkrieg ! Le show est très rock, très énergique, avec deux batteurs comme sur le disque. Ce sera le même groupe que sur le disque. Nous sommes en train de finaliser les répétitions. C’est très puissant, ça va au-delà de ce que j’imaginais. Cette atmosphère de tension, très présente sur le disque, est encore renforcée sur scène. On arrive à glisser quelques morceaux plus feutrés, mais globalement c’est assez enlevé. Nous avons fait un gros travail sur les atmosphères, les textures sonores sont très travaillées. L’atmosphère est très importante.

 

Vous défendez la cause animale, l’environnement, les campagnes, il faut s’engager forcément ?

C’est une envie qui s’est faite sentir à un moment mais je n’ai pas de leçons à donner. Pendant longtemps j’ai eu un point de vue contraire, je ne souhaitais pas utiliser la parole publique par peur de les desservir. Aujourd’hui je suis plus à l’aise pour dire ces choses simplement, je peux apporter une parole supplémentaire à certaines causes. Ma parole ne va pas changer les choses, mais elle participe. Il ne faut pas enfoncer des portes ouvertes, mais ne pas jouer non plus le retrait à tout prix, car c’est une fuite. Aujourd’hui je suis plus à l’aise avec tout ça et ça s’injecte dans mes paroles, de façon naturelle. A aucun moment je ne me suis dit que j’allais écrire des chansons plus concernées. C’est simplement une évolution personnelle.

 

On retrouve beaucoup de références géographiques dans votre discographie, notamment aux régions froides ou isolées, comment l’expliquez-vous ?

Sur ce disque-là ça se sent moins, j’ai fait en sorte qu’il n’y ait pas de lieux cités. Mais effectivement je suis très sensible aux paysages, en dehors des villes. Par le passé je chantais beaucoup les villes, et puis l’envie s’est faite sentir de chanter autre chose : une enfance à la campagne, une nature préservée, le mer pas loin, sans culture intensive. J’ai besoin de sentir qu’il y a de l’air de l’horizon. Mon retour à Nantes s’est fait en partie pour ça. Dans la région, le ciel prend beaucoup de place, l’eau également, c’est tout ce que j’aime.

 

Vous n’aimez pas l’étiquette de chanteur à texte… c’est quand même bien une spécificité de votre œuvre d’avoir des textes forts, poétiques, très écrits…

Aujourd’hui cela me dérange moins. Etre reconnu comme auteur est très gratifiant. Par le passé c’était une façon de me défendre de tout axer sur l’écriture des textes, car je travaillais aussi beaucoup les arrangements, et soignais les textures sonores. Aujourd’hui je n’ai plus besoin de mettre ça en avant, je pense que c’est acquis. Si le public s’accroche à ce que vous faites c’est souvent grâce aux textes. Les mots que vous avez écrits sont vos ambassadeurs, les principaux passeurs d’une émotion. Même si on ne comprend pas exactement ce qui est raconté, il faut que la forme soit assez pertinente pour que l’auditeur s’y rapporte. Le texte est l’élément porteur qui va entrainer la musique derrière lui.

 

Qui sont vos influences, modèles ?

La grande chanson française, la New Wave anglaise. Bashung, Joy Division, c’est un peu toujours les mêmes. Quelqu’un qui m’obsède aujourd’hui et c’est venu sur le tard c’est Leonard Cohen. On le retrouve sur le prochain disque en particulier. Je n’ai plus de références à proprement parler, elles sont en moi, je pense que je n’aurai plus beaucoup de grands chocs esthétiques. Récemment, j’ai été inspiré par un ami écrivain : Dominique Fabre.

 

Sur Tout sera comme avant, vous avez fait écrire un recueil de nouvelles – dont une écrite par vous – vous avez fait la musique du film Banqueroute, votre premier groupe John Merrick était une référence à Elephant Man de Lynch, pour les clips de cet album vous faites appel à l’animation, vous aviez une chronique dans TGV magazine, vous aimez croiser les expressions artistiques ?

Ça tourne beaucoup autour de l’écriture quand même. Je trouve que je suis dans un registre assez limité. Mon ami Philippe Katerine va plus sur tous les terrains par exemple. Je suis beaucoup moins sensible aux images qu’avant, je ne vois plus de films. Je suis presque plus sensible à l’animation. C’est l’écriture qui m’intéresse le plus, j’écoute peu de musique instrumentale.

 

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