Laurence Néron-Bancel et Nicolas Goletto – Une galerie-résidence entre Hyères et le monde.
HORS-SÉRIE Arts Plastiques
À Hyères, LM Studio n’est pas une galerie comme les autres. Fondé par Laurence Néron-Bancel, ce lieu atypique mêle expositions, résidences d’artistes et ouverture internationale, le tout à deux pas du cœur piéton de la ville. Rencontre avec une curatrice passionnée, entre choix artistiques assumés et horizons globaux, et Nicolas Goletto, artiste qui a réalisé une résidence-exposition en juin.
Qu’est-ce qui fait la spécificité de LM Studio ?
C’est d’abord le fait d’être à la fois une galerie au rez-de chaussée ainsi qu’un lieu de résidence à l’étage, ce qui reste unique à Hyères. L’artiste dispose d’un véritable espace de travail au premier et plus haut, il y a un lieu de vie conçu pour qu’il puisse s’immerger totalement dans son processus. Ce n’est pas juste une « résidence » au sens classique ; je souhaite que l’artiste s’y sente vraiment chez lui. Je ne suis pas présente en permanence, donc il doit être autonome. Je prépare beaucoup en amont pour que la résidence se déroule bien. Ce n’est pas seulement une question de ventes — ce n’est pas le seul but — mais d’inspiration, de travail, de temps donné. C’est une forme d’engagement partagé.
Comment choisis-tu les artistes ?
Je me définis plus comme curatrice que galeriste. Je sélectionne les artistes, avec une logique de bouche-à-oreille mais aussi de réseau. Je suis aussi très attachée à l’idée d’indépendance : les artistes sont libres, c’est leur exposition, leurs choix. Je vis en partie à New York et j’ai beaucoup voyagé, donc le lien international est naturel. Des artistes viennent du Canada, d’Autriche, des États-Unis… J’essaie aussi d’être en phase avec ce qui se passe à Hyères, LM Studio est un petit espace mais bénéficie d’une excellente visibilité: il est situé sur l’une des rues piétonnes les plus passantes de la ville. Au départ, j’ai bénéficié de mon passé de collectionneuse, de ma longue expérience dans l’art contemporain notamment en étant guide au Whitney à New York et de mes rencontres lors de foires, de visites de studios comme celui de Charlélie Couture. Les artistes sont souvent recommandés par d’autres professionnels, et de plus en plus me contactent directement. Aujourd’hui, je reçois de nombreuses candidatures du monde entier grâce au formulaire d’application sur le site internet. Mais il y a un critère non négociable : la qualité du contact humain.
Quel est le programme de l’été 2025 ?
Je suis heureuse d’avoir du temps pour développer des projets en partenariat. Depuis la pandémie, je collabore avec l’ENSAD de Limoges : tous les deux ans, j’invite des diplômés à exposer, avec le soutien curatorial de l’école. Nous aurons aussi des artistes canadiens ou Azul, née en Argentine et vivant à Brooklyn, qui exposera en juin. Puis Bettina Schleier et Cocoart du 1er au 26 juillet, deux artistes proches artistiquement, partageront une exposition autour d’un thème commun : « nourrir l’âme par l’art ». Je développe aussi un axe design en écho à la Design Parade. C’est dans ce cadre que j’ai invité Nicolas.
Nicolas, dans votre travail, vous récupérez des objets abandonnés pour leur offrir une seconde vie. Quelle est votre démarche ?
Mon travail part de ce qui est laissé pour compte, abandonné sur les trottoirs de Paris ou d’ailleurs — comme ici à Porquerolles, où j’ai trouvé l’une des pièces exposées à LM Studio. Je m’intéresse à ce que j’appelle les « Causes perdues » : des objets connus, reconnus, parfois signés par de grands designers, mais qui ont été jetés, oubliés.
Je les ramasse, je les archive, je les restaure. Mais surtout, je cherche à mettre en valeur leurs stigmates.
A LM Studio J’ai exposé huit pièces, toutes issues de cette même logique. Il y a par exemple une chaise bistrot n°18, modèle iconique de 1876, que j’ai restaurée sans toucher à son cannage d’origine. J’ai simplement glissé à l’intérieur de la paille du cannage — un geste contemporain sur une structure ancienne. Chaque pièce a une histoire, un passé fort, et je travaille à révéler cette histoire, pas à la gommer.
Ce sont des chaises-témoins, à double titre : d’un design emblématique, mais aussi de la vie des gens qui les ont utilisées, cassées, jetées. Chaque objet porte les marques d’un usage, d’un geste, d’un quotidien.. Chaque pièce est un défi : comment la restaurer tout en valorisant sa blessure ?
J’ai grandi à Hyères, et même si je vis et travaille aujourd’hui à Paris, revenir à mes racines, exposer à LM Studio, c’est presque intime. On s’est rencontrés avec Laurence lors de l’édition 2023 du Off de la Design Parade. Elle a vu dans mon travail un pont entre art et design. Je ne suis pas designer au sens strict, mais je dialogue avec le design, je m’en inspire, je le questionne.
Fabrice Lo Piccolo