Léonore Confino – J’écris avec le feu.

Rencontre publique, le 11 avril à l’Espace des Arts

Léonore Confino est une autrice majeure du théâtre contemporain français, nommée à de nombreuses reprises aux Molières. Elle a accepté d’être marraine du festival équinoxe et participera à une rencontre publique animée par Pierre-Yves Dodat de la librairie pradétane Mille Paresses. L’occasion pour elle de partager sa vision du théâtre contemporain, son rapport à l’écriture et l’importance de la transmission.

Pourquoi avoir accepté d’être marraine du Festival équinoxe ?

J’ai une connexion particulière avec Sarah Lamour. Elle avait monté « Le Poisson Belge » juste avant le Covid, et j’avais été sidérée par sa mise en scène, qui semblait avoir saisi toutes les subtilités du texte. Puis elle a fait travailler toutes mes pièces à ses élèves, et j’ai vu l’engouement suscité par ses ateliers. Pour moi, la transmission est essentielle. Sarah a cette capacité à fédérer, à créer des familles ouvertes, ce qui se ressent dans le programme du festival.
Ce qui me plaît aussi dans un festival, c’est tout ce qui se passe autour : la buvette, les bénévoles, le mélange des générations, ce maillage humain.

Vous êtes attachée aux nouvelles formes théâtrales. Qu’est-ce qui vous enthousiasme dans ce festival ?

Le spectacle de déambulation mythologique dans la mine m’enthousiasme particulièrement. Utiliser plusieurs lieux, faire découvrir de nouveaux espaces aux spectateurs, c’est passionnant. J’aime quand on fait exploser les murs du théâtre. J’avais moi-même créé « Like Me », qui se jouait dans une piscine municipale. Cela crée une étrangeté et une nouvelle façon de percevoir un lieu. Amener les mythes dans une ville, c’est leur donner une nouvelle vie.

Vous défendez un théâtre contemporain vivant. Pourquoi est-ce important ?

À l’école, on étudie surtout le théâtre classique. Mal enseigné, il peut paraître ennuyeux. Or, le théâtre d’aujourd’hui a un pouvoir immense. Il montre que la langue contemporaine peut tout traduire, qu’on peut créer des dialogues forts, drôles, actuels. Sarah transmet aussi cette idée à ses élèves : ils peuvent écrire, inventer. Le théâtre est une liberté perpétuelle, qui permet d’associer les grands mythes aux formes modernes. Les questions de pouvoir et de domination reviennent toujours.

Parlez-nous de la rencontre avec le public animée par Pierre-Yves Dodat, de la librairie Mille Paresses.

J’aime beaucoup Pierre-Yves, que j’avais rencontré lors d’une représentation du « Village des Sourds » au Liberté. D’ailleurs, il répète actuellement « Ring » avec Sarah dans les Ateliers de L’étreinte. On parlera de l’art de l’écriture, de la genèse d’une idée, du processus de création. J’aime explorer les coulisses de la création, et surtout encourager chacun à se saisir de son imagination. Toute mon enfance, je voulais être comédienne. Puis, tardivement, je me suis autorisée à écrire. Je pensais que c’était un métier masculin, jusqu’à ce que je me lance. J’aurais aimé entendre avant que j’avais le droit de le faire.

Comment abordez-vous l’écriture théâtrale ?

J’écris par nécessité. Je ne fais pas de commandes. Mes textes naissent souvent d’un moment de vie non résolu. Cela part souvent d’ailleurs d’une difficulté de communication. Dans « L’Enfant de verre », une fille ne peut pas raconter. Dans « Le Village des Sourds », l’héroïne est muette. Dans « Le Poisson Belge », une petite fille n’est pas entendue. Dans « Building », le jargon d’entreprise empêche la communication. Je pense que c’était mon cas, à l’adolescence, j’ai vécu cette difficulté à être entendue.
Lorsque j’écris, c’est un grand geyser qui s’écoule pendant trois mois, puis je retravaille pendant un an. Ensuite, je teste au plateau et coupe beaucoup. Mon travail d’autrice vivante, c’est d’élaguer. Le théâtre est un métier schizophrène : on passe des mois seul, à fomenter en secret, puis un jour, nos mots prennent vie à travers les comédiens. Et là, cela devient collectif. Au théâtre, on peut explorer des univers différents, mais on revient sans cesse vers les mêmes thèmes. Dans mon cas, c’est la question du malentendu. Pour moi, un bon dialogue au théâtre est un dialogue qui se passe mal.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune auteur ?

Ne pas avoir peur du vertige du théâtre. Le plateau est un espace de risque, d’intensité. La catharsis ne fonctionne que si tout est en danger. Aujourd’hui il y a beaucoup d’adaptations de romans au théâtre, mais pour que le texte soit bon pour le théâtre, il faut se demander en quoi il peut être dangereux au plateau. Je recommande de lire « Dans le cerveau des comédiens » d’Anouk Grinberg. Elle interroge des acteurs sur ce qui se passe en eux lorsqu’ils jouent. On écrit pour du vivant. Si le texte est trop littéraire, il sert à nous mettre en avant nous, l’auteur, alors que si on se laisse prendre par la main par les personnages cela devient intéressant. Il faut se laisser surprendre par l’écriture. J’écris avec le vivant, avec le feu.

Fabrice Lo Piccolo