Luc Amoros – L’art est une nourriture indispensable.

20.09 – 22-09 Festival des Arts de la rue de La Crau.

 

Le Festival des Arts de la Rue est devenu chaque année un rendez-vous incontournable, et le public ne s’y trompe pas. Cette année, en point d’orgue, ils nous offrent ce spectacle La Tortue de Gauguin, par la compagnie Lucamoros. Car pendant un voyage dans les îles, le célèbre peintre aurait peint une oeuvre sur une carapace de tortue. Tout un symbole.

 

Dans la peinture, l’acte est aussi important que l’oeuvre ?

Oui, Ce n’est pas la première fois que l’on en fait notre profession de foi. C’est le troisième volet d’une trilogie qui a dix ans. Nous souhaitons affirmer de notre côté que le geste de l’artiste peut rajouter du sens à l’œuvre peinte elle-même. Pour le public, la vision du peintre en action ne peut pas se faire au quotidien, on profite de notre statut de compagnie de spectacle vivant pour pouvoir le montrer.

 

Votre dispositif scénique est monumental…

Il provient de notre inscription depuis une vingtaine d’années dans le spectacle de rue. L’idée de départ était d’utiliser un mobilier urbain familier : un échafaudage de ravalement de façade, dans le but de rapprocher les disciplines, de faire descendre de son piédestal la peinture de création par rapport à la peinture artisanale. Le jour, ce mobilier urbain passe inaperçu et, à la nuit tombée, nous commençons à réenchanter ce lieu banal. Au départ, pendant les premières tournées, il y a dix ans, on appliquait l’échafaudage à des bâtiments. Aujourd’hui on peut le placer dans d’autres lieux. Nous avons créé ce spectacle à Villeneuve-les-Avignons.

 

Comment avez-vous choisi les œuvres présentées ?

Je pars généralement de chroniques. Depuis le départ, il ne s’agit pas de spectacle linéaire, plutôt des chapitres. La Tortue de Gauguin compte sept chapitres, c’est comme un album de chansons, ou un recueil de poèmes. Ils ont réunis pour leur thématique. Dans celui-ci, je rends hommage à des artistes un peu ignorés, qui sont entre l’artisan et l’artiste : des graveurs, des artisans brésiliens… Je crois que l’art peut échapper à la solennité des musées et à la spéculation des galeries. Nous essayons de le faire le plus agréablement possible.

 

Avez-vous écrit les textes en pensant au spectacle ?

 Les textes sont déjà écrits, puis sont choisis pour participer au spectacle. La peinture et la musique sont un accompagnement de ces textes. Ce sont des chroniques très courtes, que j’ai écrites en diverses occasions, pas spécifiquement pour le spectacle. Elles ont souvent trait à ce qui me préoccupe, dont ce rapport entre l’art et le public. Les arts de la rue en particulier. Ca a été un souhait de descendre dans la rue. On y trouve un public qui va au théâtre, mais aussi, beaucoup de gens qui ne vont pas au théâtre, ni dans les galeries ou les musées. C’est une démocratisation de la culture qui se fait au quotidien, par des chocs d’émotion. Nous, nous aimons les deux types de public, le plus cultivé et le moins cultivé.

 

Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette tortue peinte par Gauguin ?

Le côté poétique de cette œuvre. D’abord j’aime beaucoup Gauguin. Mais ce qui a motivé le fait de le choisir comme titre, c’est ce fait qu’une œuvre puisse échapper au spéculateur. Pour nous, la spéculation est le plus grand scandale de l’art, alors que l’art est une nourriture indispensable. Étant donnée la longévité des tortues, il est intéressant de se dire qu’une œuvre de Gauguin, un des peintres qui se vend le mieux sur le marché de l’art, est en libre circulation quelque part, hors de toute spéculation.

 

Site officiel de la compagnie Luc Amoros