Luc Coadou & Tomás Bordalejo
Concerts
« Filiatio 3 : Tallis & Byrd »
Vendredi 10 septembre à 21h
Église Anglicane, Hyères
Samedi 11 septembre à 18h15
Abbaye du Thoronet
Dimanche 12 septembre à 18h15 Abbaye du Thoronet
Thomas Tallis et William Byrd furent organistes et chantres au service de la Reine Elisabeth Ire qui leur octroya conjointement le privilège d’imprimer la musique. Ce statut particulier leur donna une position exceptionnelle vis-à-vis de toute une génération de compositeurs qui s’inscrivit à leur suite dans une filiation artistique forte. Certaines, parmi les œuvres maîtresses de leur répertoire sacré, sont ici proposées en alternance à un répertoire profane non moins remarquable de madrigaux dits « Elisabethains ». Tomás Bordalejo et Romain Bastard se voient associés en tant qu’artistes compositeurs aux Londoniens « Gentlemen of the Chapel Royal ».
Qu’est-ce qui vous a tous deux intéressés dans cette collaboration ?
Luc : Nous avons souvent travaillé ensemble et beaucoup échangé. Nous avons même animé des ateliers musique à la Société Générale ! Au fil du temps des complicités artistiques se nouent et avec Tomás, c’est le cas. En tant que directeur artistique, je me tiens au courant de qui apparaît dans le monde musical, des résultats de concours dans les conservatoires. J’ai entendu parler de Tomás et écouté plusieurs de ses pièces. Il avait une imagination qui m’intéressait. Il crée des choses complexes en partant d’éléments simples. Le premier motet de ce programme demandé à Tomás fut « Ego Flos Campi », puis, comme avec Dimitri Tchesnokov, nous en avons créé un deuxième, puis un troisième, et enfin une œuvre complète. C’est un travail sur un texte du « Cantique des cantiques ». C’est le plus profane des textes sacrés, car il parle d’amour humain. Ce texte provient de l’Ancien Testament, il est extrait du Livre de Salomon dédié à la Reine de Saba. Les compositeurs du XVIe siècle dont Tomás Luis de Victoria ont beaucoup écrit sur ce texte. J’ai eu envie de l’entendre avec un langage musical d’aujourd’hui. Nos voix, pour les compositeurs contemporains sont de la matière sonore, un substrat. Tomás a une écriture qui lui est propre, il connaît toutes les règles de l’harmonie et du contrepoint et en joue à sa façon.
Tomás : J’ai été tout d’abord frappé par le travail des Voix Animées. Le matériau sonore est mon point de départ, ça s’applique à un instrument, un musicien, ou même une rencontre. L’ensemble Les Voix Animées est à géométrie variable, il peut y avoir quatre, cinq, six, sept voix…
Ils font un travail très fin au niveau de la vocalité et du rapport entre leurs différentes voix, avec une grande complicité. Ce fut une rencontre humaine d’une richesse exceptionnelle. L’ambiance au sein du groupe est très bonne : sans ça on ne pourrait pas faire de musique.
Tomás, comment as-tu procédé pour créer ce motet ?
J’ai fait des études d’orchestration et d’écriture, où l’on travaille beaucoup à la table, on doit avoir la musique dans la tête. Je travaille aussi au piano, car c’est bien pour visualiser les différents registres, surtout quand il s’agit de voix. Chaque voix est différente, et quand on peut écrire pour des chanteurs que l’on connaît c’est un avantage important. Avoir un monument de la musique tel Victoria face à soi est aussi un vrai challenge.
Dans cette discipline, on chante, mais avant tout on dit, et comprendre ce que l’on dit est très important. J’ai lu plusieurs traductions. C’est un texte assez sensuel, avec la femme au centre, alors qu’il date de neuf siècles avant J.-C. J’ai alors très clairement entendu une musique dans ma tête, ce fut très naturel de mettre ce texte-là en musique. Je joue avec le style, parfois fugué, pour créer une poursuite entre les voix qui entrent en scène les unes après les autres, c’est une mise en scène sonore. Le sixième chanteur, en quelque sorte, est l’acoustique du lieu où le groupe se produit. L’Abbaye du Thoronet est un lieu magique où j’ai eu la chance de pouvoir travailler pour cette création. On a entre huit et treize secondes de réverbération, c’est compliqué pour la parole, en revanche, pour la voix chantée, c’est magique.
Luc, peux-tu nous détailler le programme anglais de cette soirée ?
Il mêle chant sacrés et profanes, de la grande polyphonie. Thomas Tallis était le maître de William Byrd : ils ont beaucoup travaillé ensemble, notamment dans l’édition de partitions. Ils travaillaient pour la Chapelle Royale d’Angleterre, en tant qu’organistes et chanteurs au service de la Reine. Byrd est réputé pour ses œuvres pour clavier, pour virginal, une sorte de petit clavecin qui par son nom rend hommage à Elisabeth Ire Reine vierge. Le bis que j’ai choisi pour ce programme est un très beau texte de circonstance qui demande à Dieu de protéger la Reine, composé pour six voix. Dans les chapelles anglaises, de style gothique flamboyant, il y avait d’énormes hauteurs sous voûtes et donc une très grande résonance, comme à l’Abbaye du Thoronet, qui, elle, est romane. Nous retrouverons aussi des élèves et collègues de William Byrd : John Bennet, Thomas Tomkins et John Ward. Lors de cette soirée, nous chanterons également une pièce écrite pour nous par Romain Bastard, un « Salve Regina ».
Juillet 2021