
Marc Levy – Rien n’est jamais acquis.
La librairie des livres interdits
En 2000, « Et si c’était vrai », le premier livre de Marc Levy est publié et rencontre un succès immédiat. Les droits du livre sont achetés par l’industrie du cinéma et deviendront “Just like Heaven“ de Spielberg. Depuis, ses nombreux romans sont traduits en cinquante langues et ont été vendus à plus de cinquante millions d’exemplaires, faisant de lui l’auteur français le plus lu à travers le monde.
Dans votre dernier roman « La librairie des livres interdits » (éd. R. Laffont) un libraire est condamné pour avoir vendu des livres défendus. était-ce prémonitoire ou saviez-vous ce qui allait arriver aux états-Unis, l’interdiction de certains livres aux mineurs ?
Je savais. J’ai commencé à écrire le livre au moment où la loi a été proposée par le gouverneur DeSantis et je me faisais peu d’illusions sur le fait qu’elle soit promulguée et qu’elle ferait des émules. Cette loi fait partie des mesures autoritaristes de ce qu’on appelle plus largement le “Projet 2025“ de l’ultradroite américaine.
Est-ce effrayant que les libertés s’amenuisent dans le monde ?
Cela m’ulcère, me consterne plutôt que ça ne m’effraie. Je ne crois pas qu’il faille répondre à l’autoritarisme par la peur. Il faut y répliquer par une force tranquille, par une résolution à ne pas se laisser faire. Ce n’est pas une fatalité, je pense qu’il faut combattre avec fermeté, calme et résolution tous ceux qui veulent contraindre les libertés, qu’elles soient culturelles, que ce soient les droits des femmes qui sont bafoués et se réduisent quotidiennement aux états-Unis, ou autre combat. Chaque fois qu’il y a une avancée sociale importante, il y a toujours des forces obscures qui, contraintes par leur propre peur, leur propre inintelligence et leur fragilité voudront diriger la vie des autres, c’est un combat permanent qu’il faut mener. La démocratie n’est pas un acquis.
Le livre amène également à réfléchir sur la vengeance, pensez-vous que ce soit une pulsion qui encombre, dont il faut essayer de se défaire ?
Je ne crois pas qu’il faille s’en défaire, il faut la domestiquer. La vengeance fait partie de nos réactions naturelles à la souffrance, à l’agression. Elle peut conduire à des excès et à des dérives extrêmement importantes, mais on ne peut pas la nier car elle fait partie de la nature humaine. Il faut la raisonner, la façonner, l’apprivoiser comme un certain nombre de nos émotions et de nos impulsions. Mais, elle existe !
On parle souvent de votre réussite, vous manque-t-il quelque chose en tant qu’auteur, y-a-t-il un livre que vous souhaiteriez écrire ?
Il y a énormément de livres que je souhaiterais écrire ! Et quand vous parlez de réussite, je n’ai pas ce sentiment, je ne vis pas du tout avec ça en tête, je n’ai pas l’impression d’avoir « réussi », c’est le contraire, je lutte continuellement avec le syndrome de l’imposteur et je travaille comme un fou pour essayer de mériter la chance qui m’est accordée.
Vous avez passé une partie de votre enfance au bord de la Méditerranée, vous réjouissez-vous de rencontrer vos lecteurs varois ?
Je suis venu plusieurs fois à Hyères, mais jamais à la Fête du Livre, donc je suis ravi. Je suis impatient de rencontrer les lecteurs, car écrire est quelque chose de très solitaire. Un acteur se produit sur scène, un peintre peut toujours se promener dans une expo pour voir la réaction des gens devant son travail, mais dans mon métier, il est compliqué de suivre quelqu’un chez lui pour voir comment il réagit devant votre bouquin ! Les salons et les rencontres en librairies sont des moments d’échange très importants et énergisants, ce sont des moments d’humanité très précieux.
Weena Truscelli