Marie-Louise Duthoit – Retranscrire les sentiments humains

 THEATRE
« Le rêve de l’île de sable » – Ensemble Actea19
Résidence aux Chapiteaux de la mer, La Seyne-sur-Mer

Troilus de la Roche de Mesgouez, marin d’Henri IV, part de Toulon pour coloniser l’Ile de sable, au large du Canada. C’est cette épopée qui a intéressé Marie-Louise, au point d’en faire un spectacle mis en scène par Philippe Berling, et joué par son ensemble baroque Actea19.

Qu’est-ce qui vous a intéressée dans cette épopée ?

Avec l’ensemble que je dirige, nous montons des programmes autour de compositeurs nés dans le Var. Dans ce cas-là, je voulais raconter une aventure maritime. Que peut-il se passer à bord d’un navire ? Les rêves, les peurs, la tristesse due à ce que l’on quitte sur le rivage… L’histoire de Troilus, qui a notamment été gouverneur du Canada, est incroyable. Il part coloniser cette ile avec des prostituées et des repris de justice. L’aventure durera cinq ans, faute de ravitaillement. Aujourd’hui, c’est une réserve naturelle, avec des chevaux sauvages issus de cette tentative. Cette histoire est très baroque, dans sa période déjà, puisqu’elle se situe en 1598. Cette musique baroque, nouvelle à cette époque-là, retranscrit au plus près les sentiments humains et les forces de la nature. Ici, nous illustrons les tempêtes, les oiseaux, les peurs de l’équipage. J’ai même fait construire une machine à vent, pour plus de réalisme.

Au niveau de la forme imaginée avec Philippe, nous sommes plus proches du concert ou de l’Opéra ?

C’est du théâtre musical, parlé et chanté. Sur scène nous avons quatre instrumentistes, deux chanteurs et une acrobate aérienne. J’ai imaginé un Troilus proche d’un Don Quichotte, un peu illuminé. Comme lui, Troilus est à la recherche de sa dulcinée qui serait sur cette Ile de sable. Je joue sa suivante, que l’on a d’ailleurs appelée Sancha. Le texte écrit par Philippe fait le lien entre tous ces tableaux. La musique et les paroles sont issues de partitions baroques que j’ai réarrangées pour que ça colle à l’argument, avec des oeuvres de Joseph-François Salomon, compositeur toulonnais, que je souhaite faire renaître. Je travaille sur sa tragédie lyrique « Médée et Jason », que nous jouerons en septembre pour les journées du Patrimoine, et dont nous retrouvons des extraits ici. Nous aurons également des morceaux d’Alexandre de Villeneuve, compositeur hyérois. C’est une coproduction du Liberté scène nationale, du Conservatoire TPM et de l’Opéra de Toulon. Nous allons aussi répéter aux Chapiteaux de La Mer à La Seyne, et la ville de Toulon nous soutient.

Les instruments présents sont d’époque ?

Ce sont des reconstitutions. Le clavecin est l’élément central et le décor : quand on l’ouvre, on a l’impression de voir une voile. Nous aurons de la viole de gambe, jouée par Coline, différentes flûtes à bec, jouées par Marie et un théorbe, sorte de luth avec plus de cordes, joué par Pascal Galon, qui fait aussi de la flute à bec et de la cornemuse. Nous aurons également des tambourins, un traverseau… A eux quatre, ils rendent d’innombrables couleurs possibles et sont également acteurs, jouant ces repris et prostituées qui déclament à la façon d’un chœur antique, qui commente l’action.

Quel est l’apport de l’acrobate ?

Anne, c’est le moussaillon qui monte le long du mât, un personnage très important. Avec son costume trop grand, elle illustre cet univers maritime : la voile, la mer, la vigie…

Parlez-nous des chanteurs…

Cyril Constanzo est varois et chanteur professionnel, ancien élève du Conservatoire TPM. Il incarne Troilus, avec une voix de basse. Le rôle lui colle à la peau, il est aussi malin et rêveur que Troilus. Quant à moi, je suis Sancha, et chante soprano. Elle est très débrouillarde et un peu manipulatrice. C’est la part de légèreté. Après avoir beaucoup tourné dans des ensembles baroques, je me suis lancée dans cette aventure de direction, apportant mon expérience de chanteuse et de pédagogue, enseignant au Conservatoire. J’assiste également régulièrement Vincent Tavernier dans des grandes production de comédie ballet. En tant qu’interprète, on transmet notre sensibilité, mais on ne crée pas et ça me manquait.

Mars 2021