Massilia Sound System au rythme des couleurs urbaines

Cité des Arts est très fier d’être partenaire du prochain festival Couleurs Urbaines qui fête ses dix ans cette année. A cette occasion, j’ai eu l’honneur de discuter avec Papet J., un des deux leaders historiques du Massilia Sound System. Petit avant-goût de ce qui vous attend le 1er juin.

 

Les Sound Systems sont nés à Kingston, Jamaïca, dans les années 40. Des Djs, appelés sélectas, embarquaient des platines dans des trucks et enflammaient les rues de la capitale jamaïcaine, chantant par-dessus les morceaux. Leurs sélections sont vite passés du R&B américain au Ska, puis au Reggae et au Raggamuffin.

Dignes héritiers de cette tradition, les Massilia Sound System ont débuté il y a maintenant trente-quatre dans notre belle vie de Marseille et ont depuis écumé toutes les scènes de France et de Navarre. Au départ, dans le plus pur style Sound System comme des chanteurs qui posaient leur voix sur des rythmes reggae. Au fil des années, le groupe s’est étoffé et s’est doté de musiciens qui soutiennent les voix de Papet J., Moussu T., de Gary Grèu, et du regretté Lux Botté.

Massilia c’est en premier lieu de la générosité. De la générosité sur scène, symbolisée par la traditionnelle distribution de pastis qu’ils font à tous leurs concerts, et par l’énergie communicative qu’ils nous font partager. Cette générosité se retrouve dans leurs textes. Ne vous laissez pas abuser par leurs airs festifs et bon enfants, Massilia est un groupe engagé. Leurs valeurs de partage, de tolérance, de vivre ensemble se retrouvent dans la plupart de leurs chansons, parfois même engagées politiquement. Mais les Massilia chantent avant tout leur amour inconditionnel de la cité phocéenne. Cette cité qu’ils ont rêvée et ont contribué à réveiller, pour la faire devenir aujourd’hui un des fleurons de la scène musicale française.

 

 

Comment arrivez-vous à toujours vous renouveler après si longtemps ?

En répétant comme je le fais aujourd’hui, en travaillant tous les jours, en étant toujours en alerte. Il s’agit de continuer à avoir le plaisir de chanter, à le faire le plus souvent possible. Si tu ne joues pas tu t’éteins. Si tu répètes tu maintiens ton taux d’énergie.

 

A quoi peut s’attendre le public de Couleurs Urbaines pendant le concert ? Y aura-t-il la traditionnelle distribution de pastis ?

J’imagine, à moins qu’il n’y ait une pénurie d’ici-là. Le show est dans l’esprit de celui de la dernière tournée. Nous avons quelques jours de répétition tous ensemble pour le travailler. Nous essayons de présenter des chansons qui plaisent au public et à nous. A priori toutes nos chansons nous plaisent mais nous essayons d’être pertinents, d’écouter ce que l’on nous dit.

 

Vous chantez très souvent votre amour de Marseille, que pensez-vous de votre ville aujourd’hui ?

Tu sais, pour que l’amour dure longtemps, il faut regarder quelque chose avec les yeux de l’amour et avec son cœur. Il y a trente ans c’était une ville très endormie, alors on s’est mis à la rêver. On ne sentait plus trop la jeunesse, elle était en perte de vitesse, plus vraiment fière d’être marseillaise. On la rêvait plus dynamique, plus vivante. Aujourd’hui beaucoup de choses nous paraissent superflues, too much, notre ville est devenue à la mode. Par le passé Marseille intégrait mieux les populations qui arrivaient. C’est le cas un peu partout mais, chez nous, ça choque. Nous avons des populations juxtaposées qui ne se rencontrent pas vraiment. Nous avons gagné en énergie mais perdu en identité.

 

Vos messages de tolérance, de vivre ensemble, d’amour sont-ils hérités de la culture reggae ?

Aussi bien sûr, ces messages c’est Bob Marley. Mais c’est avant tout une croyance personnelle. En musique tu endosses des valeurs comme tu endosses un costard, mais c’est quand même mieux s’il est taillé sur mesure. Nous avons des valeurs de tolérance, alors que notre monde est de plus en plus intolérant et injuste. Les valeurs de partage vont avec. Nous avions à partager nos rêves, notre énergie, notre musique, tout cela dans la cohérence et la convivialité. Nous partageons de l’énergie positive et faisons les choses ensemble.

 

Comment a été créé le groupe ?

Le groupe tel qu’il est s’est créé sur vingt ans. Tatou (Moussu T) en est le fondateur. Je l’ai rejoint rapidement. Je devais donner un coup de main à l’asso, qui avait cette culture de Sound System. A l’époque, il fallait tout créer dans cette ville, si tu voulais faire quelque chose il fallait le faire toi-même. Puis nous ont rejoint Janvié aux claviers et Gary Grèu au chant, enfin Blu à la guitare et DJ Kayalik aux platines. Nous étions un peu en recherche les uns des autres. Nous nous sommes connectés à travers le Sound System Massilia dub, pour passer de bons moments. Nous avons rencontré Lux B. et Gary par des amis communs. Dans le cas de Janvié nous recherchions un sonorisateur. Il avait eu un groupe de reggae. A l’époque il y avait peu de gens capables de créer ce son-là. Ensuite on s’est déplacés vers la Ciotat, et avons trouvé les deux derniers car nous voulions imprimer une direction plus musicale. Janvié a pris les claviers et nous avons intégré le dj et le guitariste. Avec le recul, je pense que nous avons fait les bons choix.

 

Comment naît un morceau ?

Il n’y a pas de règle. Un des chanteurs pense à un texte et arrive avec un bout de chanson. Janvié ou Kaya arrivent avec un bout de morceau, sur lequel les auteurs vont créer. On écrit tout le temps, alors on dégaine le carnet de notes ! Quand on a une bonne idée, elle va au bout rapidement, on ne pinaille pas trop. Parfois tous ensemble on travaille et on déroule le fil d’Ariane dès qu’on a une idée. De la même manière que l’on pense en parlant, nous on crée en chantant. Parfois, pendant un Sound System on fait une impro qui fonctionne, alors on s’y remet le lendemain.

 

Que pensez-vous de la scène musicale marseillaise d’aujourd’hui ?

C’est très vaste, ce que j’entends me parait intéressant, mais je ne me pose pas en critique. Je suis résident à la friche Belle de Mai, qui accueille de très bons musiciens. Je me rends compte qu’il y a de plus en plus d’excellents musiciens à Marseille, qui travaillent de plus en plus ensemble. Il y a beaucoup de mélange de différents univers : rock, jazz, reggae, hip-hop. Je sens que ça frémit, ça me plait bien. Chinese man s’exporte bien, Manu Théron aussi. Il y a des beat-boxers super reconnus, comme Nash. Ça bouge dans les musiques orientales, les musiques gitanes, le rock. Tout ça, ça vit, ça existe. En jazz on a Raphaël Imbert. Je suis un grand fan de musique, de toutes les musiques, quand j’entends quelqu’un qui se lance je m’intéresse, j’y prends beaucoup de plaisir.

 

Quel est votre morceau préféré de votre discographie et pourquoi ?

Tu vas le préférer soit parce que t’as des bons souvenirs, soit parce que la musicalité te plait. Mais chaque chanson a son ambiance, sa fonction dans le répertoire, je ne mettrais pas d’échelle.

 

Cette tournée peut-elle faire espérer un nouvel album bientôt ?

Ça arrivera bien un jour. Il nous faut une douzaine de bonnes chansons. Ça travaille. Un beau jour, il naitra quelque chose. Après tant d’années, tant d’albums, autant de chansons, pour essayer de se renouveler ça prend un peu plus de temps.

 

Site web de Massilia Sound System