Massilia Sound System – Le monde droit dans les yeux.

Musique

Couleurs Urbaines

Le 2 octobre au Zénith Omega – Toulon

Massilia Sound System est de retour avec « Sale caractère », un nouvel album studio, sept ans après « Massilia ». Moussu T, Papet J et Gari Greù reviennent poser leurs textes, subtils mélanges de constats réalistes sur le monde qui nous entoure et de chansons dansantes, sur des rythmes reggae, ska, ragga, ou brega funk cette fois-ci. Nous avons hâte de les retrouver pour Couleurs Urbaines sur la scène du Zénith Omega de Toulon. Gari nous en dit plus sur la création de ce nouvel album.

Ça fait quoi de retourner en studio avec Massilia après sept ans ? 

Dans ce contexte de Covid, où on était tous à l’arrêt, ça nous a fait un bien fou : de nous remettre au travail, de nous retrouver entre nous. C’est un peu ce qui nous a décidé à nous y remettre.

C’était important de sortir un album en réponse à cette période difficile ?

Ce n’est pas vraiment une réaction à ce moment-là, mais on chante ce qu’on vit, alors ça a impacté notre manière de faire. Il y a toujours cette volonté de Massilia de faire des chansons qui vont t’amener un peu plus loin. Papet J en interview dit : « C’est la merde en Méditerranée quand je vois des gens qui se noient et le manque d’empathie des autres. Le mal qui ronge la société, ce n’est pas le Covid, mais le capitalisme ». Mais on vit tous un moment extraordinaire, et cet album, il est fait en 2021.

Au niveau du son, il semble que vous vous rapprochiez plus des albums de vos débuts ?

En tout cas, on voulait faire un album simple, une musique efficace, digitale, avec des gimmicks. On a créé les riddims avant d’écrire les chansons, donc on a vraiment travaillé comme à l’époque du Sound system. Dans le Nordeste du Brésil, on a trouvé un rythme qui nous a plu, le Brega Funk, avec des instrus très simples et des paroles ambiançantes. On a pu faire évoluer notre Rub a dub primal, avec un rapport différent à la rythmique. On a travaillé comme avant, en posant la voix sur les riddims, et quand c’était la fin de la musique, c’était la fin du morceau. Ça se sent sur les ponts également. On a fait un rub a dub très simple, avec des bandes musicales en six à huit pistes sans surenchère, avec peu de guitare. Blu, notre guitariste a participé bien sûr, mais différemment, en créant des mélodies, en travaillant sur les chansons. On s’est tous mis au service des chansons.

Ton morceau préféré du nouvel album ?

Certains choses me parlent plus que d’autre, je suis assez content de « Casa Massilia », c’est un morceau de ska, on n’en avait jamais fait. Ces rythmes du Brésil apportent des nouveautés dans la rythmique, on a de l’accordéon aussi. 

Comment va se passer le set aux Couleurs Urbaines ?

Ça nous fait très plaisir de remonter sur scène. Cet été, on avait une vingtaine de festivals, mais six seulement ont été maintenus. C’est très frustrant, c’est la plus petite tournée de ma vie, mais on prend énormément de plaisir. C’était dur de vivre sans public, sans partage. A l’automne, on a une vingtaine de dates. On a concocté une playlist qui fait la part belle au nouvel album. C’est très compliqué de faire une set list maintenant, on a tellement de chansons, d’incontournables. On peut pas servir le pastis pour l’instant, mais on va quand même voir ce qu’on peut faire. On essaie dans nos sets de raconter quelque chose, que ce soit cohérent et que ça permette de faire une méchante soirée. C’est plus qu’un instrument de promo, on doit se retrouver, avec toutes les générations, toutes les couleurs. Le rôle de l’artiste est important aujourd’hui où tout le monde est contre tout le monde. Nous, on est là pour essayer de mettre tout le monde en lévitation et de se vider l’esprit.

Marseille est au cœur de l’actualité en ce moment, alors « Marseille est à la rue » ?

Marseille est à la rue à cause d’une trentaine d’années de non-gestion par les politiques. Elle est tirée vers le bas, divisée en deux : les politiciens s’occupent uniquement des gens imposables. On a tout une partie de gens invisibles, qui sont à la rue. On est obligé d’en faire le constat, à tous les niveaux, c’est pas seulement un problème de kalachs dans les quartiers. Il y a le chômage, les transports, l’état des routes, de l’habitat, c’est inquiétant pour le futur de nos enfants. On a toujours regardé Marseille droit dans les yeux, on est pas des doux rêveurs bercés par la Gandja. Aujourd’hui, il y a de nouvelles personnes à la tête de la ville, mais la mairie ne s’occupe pas de certains dossiers, gérés par la Métropole, la fragmentation est trop importante. On aimerait un autre discours politique. On retrouve le même problème dans toutes les grandes villes, Lyon, Paris, Nice… On vote pour des énarques, avec soi-disant une vision à trente ans. Hé beh il se foutent de nos gueules, ils n’ont pas vu comment allaient évoluer ces villes coupées en deux. Ils ont enlevé la police de proximité, l’éducation dans les quartiers…

C’est qui cette petite fille sur la pochette de l’album ?

La fille d’une amie ciotadenne. On est conscient que tous ces minots vivent une drôle de vie en ce moment. On n’est pas fiers en tant qu’adultes de leur faire vivre ça. « No future » était un slogan punk à l’époque, aujourd’hui c’est la réalité. La société est devenue une machine à broyer les rêves des minots. Mais dans cette image, il y a aussi un côté Robert Doisneau, ces gamins libres, rigolos, en sandales. On est friand de cette imagerie-là.

Septembre 2021