Michel Benizri – Entre conférence et théâtre.

Le 5 mai à la Serre Bonsaï J’M à Ollioules

Michel est juif d’origine marocaine. Dans ce spectacle qui mêle conférence historique et théâtre, il revient sur le conflit israélo-palestinien et par là même sur ses propres conflits de loyauté.

Qu’est-ce qu’une conférence gesticulée ?
C’est une forme de spectacle militant, politiquement engagé, nourri par le fruit de sa propre expérience. Cette expérience personnelle vient étayer la partie théorique et donne une légitimité d’analyse sans avoir besoin d’un diplôme universitaire. Né il y a une dizaine d’années, cet objet scénique est devenu à la mode. Monter une conférence gesticulée passe par une formation de quatre mois, encadrée par des gens qui en ont eux-mêmes créées. C’est de l’éducation populaire dans la pure lignée de celle d’après-guerre. Plus qu’une conférence c’est un moment de partage incarné avec le public. Souvent, c’est l’occasion de soulever des lièvres, comme par exemple rappeler les raisons de la présence des Anglais en égypte puis en Palestine jusqu’en 1948 : avoir la main mise sur le canal de Suez… Ou encore parler de la déclaration Balfour, déclaration considérée comme l’acte fondateur de l’Etat d’Israël. Lord Balfour était notoirement antisémite. Pour lui, donner un territoire aux sionistes était avant tout un moyen pour se débarrasser des juifs d’Europe. Je parle aussi de la discrimination subie par les juifs orientaux en Israël. C’est un sujet encore tabou. Je raconte comment mes parents ont quitté le Maroc pour vivre en Israël, leur traversée en bateau et leur arrivée en Israël. Les juifs européens étaient séparés des orientaux que l’on saupoudrait de DDT ou dont on rasait la tête, c’était une terrible humiliation. J’en fais un véritable sketch, c’est drôle tant c’est terrible.

Qu’est-ce qui t’intéresse dans ce conflit israélo-palestinien ?
Essayer de détricoter la complexité historique de ce conflit ? Tenter de comprendre ma propre histoire. Je pose dès le départ la responsabilité historique et politique de l’Europe dans ce conflit-là. Ce spectacle m’a demandé des années de travail et il faut bien deux heures pour démêler 2000 ans d’histoire. Aujourd’hui, confondre antisionisme et antisémitisme est incohérent et d’une grande paresse intellectuelle. Le sionisme est une pensée politique qui doit être critiquable comme toute autre, rien à voir avec la religion. Le sionisme d’aujourd’hui repose sur une idéologie coloniale et nationaliste. Moi je suis un juif laïque ni croyant ni pratiquant, mais j’ai reçu une culture et je l’aime. J’ai dû effectuer un travail important pour sortir de ce conflit de loyauté où on voulait me maintenir. J’ai découvert à ce moment-là l’UJFP, l’Union des Juifs de France pour la Paix, un mouvement antiraciste et pour l’égalité des droits, ici et là-bas qui défend la cause palestinienne. En France, la perception du public est faussée par l’activisme pro-israélien du Crif qui est loin de représenter la diversité de la pensée des Juifs français. En Israël non plus, tous ne sont pas d’accord avec la manière dont le gouvernement agit, il y a d’intenses manifestations pour que cesse cette « guerre sans fin ». Mon spectacle véhicule un message totalement pacifiste et résilient. En donnant la parole à Mahmoud et à Moshé je révèle la force des récits que nous nous racontons quand chaque camp croit à une version différente de la même histoire et pense que ce conflit est entièrement de la faute de l’autre, et donc attend des excuses. Et si tout le monde se parlait, décidait ensemble et cohabitait, comme on le fait en France d’ailleurs ?

Fabrice Lo Piccolo

http://conferences-gesticulees.net/conferences/moi-francais-juif-arabe/