Mikaël Brénéol – Contre-performer

PERFORMANCE

Après un cursus composé de points de vue artistiques variés, Mikaël Brénéol pointe du doigt une réalité bien courante pour les artistes de notre société en se nourrissant des problématiques de son travail alimentaire.

Tu parles de l’œuvre que tu vas présenter à la galerie du Canon “ALT” comme d’une ode à l’ennui. Qu’entends-tu par là ?

Dans ma démarche, j’observe et cherche les détails sur les murs. C’est quelque chose qu’on fait quand on s’ennuie, pas quand on a quelque chose à faire. J’invite le spectateur à réaliser cette même démarche. Je mets en valeur ces défauts en les reproduisant plusieurs fois dans l’espace. Ils restent discrets, à la frontière de ce qui peut être remarqué avec évidence et de ce qui va rester anodin, quasi invisible. Avec ALT, je procède par le dessin, j’utilise tout ce qui s’adapte à la surface pour imiter, à la manière du trompe l’œil. Je fais également référence à l’efficacité informatique, à la rapidité et à la facilité de faire un copier-coller, ce raccourci qui contraste avec le temps réellement nécessaire pour effectuer la tâche. Cette combinaison de touches est une alternative, comme le fait de proposer aux spectateurs de regarder un mur déjà présent plutôt qu’une œuvre, ou de proposer un autre rythme.

Peux-tu nous parler de tes protocoles de performance ?

Mon expérience professionnelle dans la restauration rapide, en parallèle de mes études, m’a poussé à me questionner sur la lenteur et c’est ce qui lie mes protocoles artistiques. Ma première réaction a été épidermique. Il ne fallait pas perdre une micro-seconde, ne pas bavarder. On est des espèces d’enfants-machines, sans aucune marge de réflexion. Je suis devenu manager et je ressens une sorte de schizophrénie dans ce rôle. Dans ma démarche, je prends le contrepied, par la discrétion et l’inefficacité. Comment puis-je proposer un recul sur ce rythme ? Qu’est ce que la lenteur va provoquer sur le corps ? Comment circule-t-on dans l’espace ? La performance est quelque chose qui se vit, une expérience du corps et nous vivons en premier lieu par le corps. Il y a moins de distanciation que par la peinture ou par la vidéo. Je ne garde pas de traces de mes performances en dehors de celles laissées par le dessin dans ALT. En utilisant majoritairement la matière existante dans l’espace, je recentre l’usage de l’espace et je pose la question du lien entre le lieu, la façon dont il est construit et la façon dont on s’y comporte.

Pourquoi avoir choisi Pauline Testi comme Alter Ego ?

C’est rare que nos travaux soient ressemblants, car elle travaille beaucoup sur l’indexation dans les bouquins et l’écrit. Par contre, nous avons des postures assez similaires dans notre façon de considérer ce que l’on produit et un goût pour le parasitage, les gestes anodins. Par exemple, elle insère des pages de livres différents dans des livres à la bibliothèque, ce qui crée des ruptures dans le récit. Pour elle aussi, si ce n’est pas vu, ce n’est pas très grave. On interpelle tous les deux discrètement le spectateur en intervenant avec un minimum de visibilité et d’outils. Certains peuvent passer à côté : si je ne touche que trois personnes sur cent, c’est déjà ça ! (rire). De son côté, elle a créé des choses que j’aurais aimé faire et vice-versa.

Que retiens-tu de ta formation à l’ESADTPM ?

Elle m’a apporté un cadre d’expérimentation assez “safe”. On se lance dans ce milieu professionnel sans savoir comment cela va se passer, mais le cadre et les professeurs sont rassurants. On apprend en faisant, c’est l’école de la vie. Il y a à la fois un support théorique et personnalisé, mais aussi un apport critique qui n’est pas négligeable quand on veut se lancer en art.

Maureen Gontier

BIOGRAPHIE

J’ai débuté mes études par un cursus d’arts appliqués au lycée pour ensuite rejoindre la Sorbonne et y obtenir ma licence d’art et sciences de l’art. C’est majoritairement à cette période que s’est forgée ma pratique de la performance et du dessin. Le geste, sa dynamique, son inscription dans l’espace et sa trace constituaient alors le noyau dur de mes travaux. J’ai par la suite intégré l’ESADTPM afin d’obtenir mon DNA (Diplôme National d’Art) option Design, pour retourner ensuite vers la pratique des arts plastiques en obtenant, toujours au sein de l’ESADTPM, mon Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique. C’est surtout au cours de ces derniers cursus que se sont constituées mes influences actuelles, qui ont redirigé mes précédents intérêts pour le mouvement vers l’expérience du regardeur et son cadre. Ce qui m’a semblé longtemps être une forme d’indécision m’apparaît désormais en réalité comme un double cursus ayant forgé mon regard aux usages des lieux et aux choix plastiques qui les régissent.