Murray Head – La musique live guérit les gens.
MUSIQUE
Théâtre Galli
le 27 novembre 2021
Murray Head est l’un des derniers monstres sacrés du Rock’n’Roll. Nous le connaissons tous pour son tube « Say it and so » que le public français prend pour une chanson d’amour alors qu’il s’agit d’une vive critique de la corruption des systèmes politiques. Pour son concert au théâtre Galli, ce français d’adoption, a décidé de reprendre l’intégralité de cet album culte sur scène. Immanquable !
Pourquoi reprendre intégralement cet album ?
Je cherchais comment présenter de nouvelles chansons. Grâce aux radios, je suis connu pour trois chansons, carrelles se focalisent sur les tubes. Si je ne joue que ça, c’est un concert de dix minutes. Beaucoup de chansons de« Say it and so » n’avaient pas été jouées sur scène, et un large public vient pour cet album. Je me suis donc dit : « pourquoi ne pas chanter ces chansons de la façon dont ils les ont entendues à l’époque ». Il y aura également d’autres morceaux, bien sûr. En ce moment, on est nostalgique d’un passé normal. Nous allons devoir composer avec les conditions sanitaires. En mars, je suis parti d’Angleterre deux jours avant le confinement, et je suis en France depuis. Cela fait cinq mois de bricolage, pour rendre ma maison en pierre comme je la voulais. J’ai créé un studio, et je vais recommencer à écrire des chansons. Je ne sais pas si mes messages dans des bouteilles vont être reçus par quelqu’un. Je n’ai pas grand-chose en commun avec mes enfants, ni avec mes parents. Ma génération a eu la chance de très bien vivre, d’avoir eu soixante-quinze ans de paix.
Vous allez donc recommencer à composer…
J’ai presque fini le studio, je rêvais de le faire. Il va être assez ancien, avec l’équipement analogique qu’il me reste. Je vais commencer chanson par chanson. Aujourd’hui les albums sont moins importants qu’avant. On fait de la musique pour soi-même, pour savoir qu’on peut toujours le faire. La musique m’a aidée à m’aimer. Quand on écoute ce qu’on a fait, beaucoup plus tard, on se dit « c’est pas si mal »… C’est le cas des six chansons de « Say it and so » que je n’ai pas jouées sur scène. Et quand on commence à s’aimer, on a plus de facilité à aimer les autres. C’est ce qui manque aujourd’hui, un max, l’amour. Aujourd’hui, les politiciens ont passé leur date de péremption, alors il faut bien réfléchir quand on vote. C’est ce que je dis dans « Say it and so ». A l’époque la maison de disque n’a pas voulu que je traduise la chanson, arguant que les français comprenaient. Le sujet est l’impuissance de l’individu envers le chef d’état pour qui il a voté.
Vous pensez ressortir un album ?
Quand on se met à écrire, cela prend beaucoup de temps. Plus jeune, je n’étais pas heureux en couple, et me cachait dans le studio. J’ai donc écrit une bonne douzaine de disques ! Là, je suis remarié et très heureux, mais je n’aime pas ce que j’écoute à la radio, alors j’ai envie d’écrire. J’écoute beaucoup de choses du passé, de tous les pays. J’ai besoin de retomber amoureux de la musique. J’ai trois mille albums vinyles, je viens d’acheter un jukebox, j’ai des milliers de cassettes héritées d’une tante, de la musique classique enregistrée à la radio… Ça me touche de nouveau. Je suis en route. C’est un Murray Head assez vierge qui recommence tout. Chaque chanson peut prendre énormément de temps à écrire. On fait donc des albums, pour pouvoir travailler sur plusieurs en même temps. Quand on compose et que l’on réécoute, la majeure partie, c’est de la merde… Mais parfois émerge une pépite. Pendant quelques mois, je ne fais écouter à personne, les chansons m’appartiennent à ce moment. Après, c’est l’après-vente, on rentre dans le système. Aujourd’hui, il y a un problème avec le streaming et les maisons de disque. C’est grotesque. Les royalties sont très faibles, et on court après les paiements… Merci Steve Jobs d’être allé voir Universal pour vendre une chanson 0,99€ ! On ne connait plus le répertoire d’un artiste, on aime les chansons une par une. Il faut que j’aie un million de hits pour commencer à gagner de l’argent ! Il faudrait tout reprendre du début. En tout cas, il faut du live, car la musique live guérit les gens.
Pourquoi avoir choisi la France ?
C’est comme tomber amoureux, ça doit prendre beaucoup de temps, pour être sûr. Enfant, j’allais à l’école française de Londres. Mais votre système n’a aucun intérêt pour l’opinion des élèves. A dix ans, j’allais me faire virer, je suis donc retourné dans l’éducation anglaise, qui, elle, était intéressée par mes opinions. Pour les vacances, tous les étés, nous allions camper en France. Moi, je voulais draguer, et on m’emmenait voir des cathédrales ! Ma mère était actrice, mon père producteur de documentaires. A douze ans, j’écrivais déjà des chansons, et EMI m’a fait mon premier contrat à dix-sept ans. J’ai fait mon premier film en Angleterre et comme je parlais français, on m’a proposé un rôle dans un film avec Brigitte Bardot, « A cœur joie ». Elle pensait que j’étais branché, je l’ai amenée dans tous les clubs de Londres ! Puis, elle m’a casé avec une fille du film. Je commençais à aimer la France ! Molinaro m’a alors proposé « La mandarine », j’avais un appart à Paris… En Angleterre, j’étais accepté comme acteur, mais pas comme chanteur. En France, on bouffait bien, il y avait de bons vins, les nanas étaient superbes, et on aimait mes chansons. Merci la France !
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Novembre 2021