N. Chikhaoui & L. Charles-Alfred – Derrière les dorures

>> »Petites mains », sortie en salles le 1er Mai 2024
Deux ans après « Placés », son premier long métrage, Nessim Chikhaoui retrouve Lucie Charles-Alfred avec « Petite mains » pour dénoncer la sous-traitance du métier de femme de chambre dans l’hôtellerie de luxe dans la joie et la bonne humeur. Invités par Pathé La Valette, ils nous présentent leur film.


Dès le début du film on rentre directement dans le vif du sujet, pourquoi ce choix ?

Nessim : J’ai voulu créer un récit immersif, semblable à « Placé », où un œil subjectif nous guide dans les coulisses, nous enseignant les codes de l’hôtellerie des luxe avec un personnage découvrant le palace et ses secrets. J’ai rapidement imaginé une jeune de vingt ans vivant dans un hôtel social, établissant un parallèle avec les hôtels de luxe. Lucie incarne cet aspect à travers le personnage d’Eva. Contrairement à Simone, jouée par Corinne Massiero, qui choisit une voie différente. Opposée à la grève, elle enrichit le récit en démontrant les complexités du mouvement. Safietou, elle, refuse de faire grève au départ mais finit par la suivre, malgré les obstacles familiaux et administratifs.

Lucie comment vous êtes vous préparée pour ce rôle ?
Lucie : Nous avons effectué un mini-stage de deux jours au Bristol avec des femmes de chambre. Elles nous ont enseigné les techniques d’entretien de chambres, du lit parfait aux finitions minutieuses. J’ai trouvé cela enrichissant afin de rendre mon jeu aussi authentique que possible. J’ai également visionné des documentaires, discuté avec des amies femmes de chambre ainsi qu’avec Rachel Keke, ce qui m’a beaucoup aidé.

Pourquoi ne pas faire apparaitre les clients du Palace ?
Je ne voulais pas tomber dans le manichéisme, où tout est soit noir soit blanc. Il y a toujours une zone grise. Surtout, je ne voulais pas satiriser les clients. Certains sont très respectueux, d’autres moins, mais je ne voulais pas céder à un cliché de ma propre vision des riches. Sans eux, il n’y aurait pas de travail dans ces palaces. Je ne voulais pas non plus stigmatiser le patronat. Je me suis donc dit que je ne les montrerais pas. Ce qui m’intéressait, c’était d’être avec cette brigade, avec ces femmes. Finalement, les clients existent par leur absence.

Comment expliquer qu’elles aiment leur métier mais le déconseillent aux jeunes ?
Nessim : Je leur ai demandé ce qu’elles diraient à une jeune fille de dix-huit ans qui arrive dans ce métier. Leur réponse a été unanime : « Je lui dirais de partir. Tu as de la chance, tu es jeune. Reprends tes études, fais une formation, trouve un métier moins dur et mieux payé. » C’est un discours dur, mais juste. Tu peux aimer ce que tu fais mais ne pas le souhaiter pour tes enfants.
Lucie : L’expérience, l’âge et le fait qu’elles soient des immigrées entrent en jeu. Les défis liés aux papiers, à la vie de famille et à d’autres facteurs sont prégnants. À un moment, on se trouve conditionné par ces éléments. Malheureusement, même si tu aimes ce que tu fais, obtenir de meilleures conditions de travail, être écoutée et ouvrir le dialogue et la communication, sont des défis qui restent présents.

Nessim tu dirais que c’est un film de femmes ?
Nessim : Oui car ce sont vraiment elles, les héroïnes. L’âme du film réside véritablement dans cette brigade de femmes, toutes remplies de joie, chacune aussi importante les unes que les autres. La sororité, le partage, la solidarité et l’entraide sont indispensables. C’est ce qui est beau dans ce monde, et il est important de le montrer.
Julie Louis Delage

Bande-annonce