Nacim Battou – La fin du spectacle

DANSE

Théâtre couvert – Châteauvallon à Ollioules

Le Jeudi 3 Février à 21h

Nacim Battou et ses danseurs imaginent un monde sans mémoire et sans culture. Ils y explorent et transmettent le souvenir de gestes passés à travers une écriture chorégraphique qui allie danse contemporaine et hip-hop.

Comment raconte-t-on une histoire à travers l’art de la danse, donc sans mots ?

Je souhaite plutôt questionner. L’idée est née en 2018, donc avant le Covid. Mais, j’imaginais déjà un monde où le spectacle vivant n’existait plus, où l’on fermerait les théâtres. Je me suis demandé, si ça arrivait, ce que l’on garderait. Peut-être quelques danseurs, comme un devoir de mémoire, que l’on enfermerait dans un théâtre, qui nous rappellent qu’à une époque, il y avait des gens qui bougeaient sur de la musique, dont les corps se collaient… S’il n’y avait plus de spectacle vivant, qu’est-ce qui nous manquerait ?

En quoi est-ce important de laisser une trace grâce au spectacle vivant ?

Avant de commencer le projet, je trouvais cela important. J’avais notamment proposé que l’on garde des souvenirs de notre époque dans un data center. Nous en avions trouvé un en Suède, dans des grottes, et j’avais demandé aux danseurs qu’ils témoignent sur ce qu’est la culture aujourd’hui. Puis, on m’a dit, et j’ai trouvé cela assez juste, que le vivant ne se met pas dans une boîte, que l’important n’est pas la trace mais le moment que l’on passe, qu’il faut vivre le plus pleinement possible.

Pourquoi ce titre : « Dividus » ?

Je voulais exprimer le fait que l’on n’avait pas un seul métier, une seule voix, une seule place dans le monde. Moi, j’aime faire plein de choses différentes. Un auteur japonais raconte que les Japonais ont des difficultés à assimiler le besoin occidental de trouver sa place dans le monde, son véritable moi intérieur. Cette notion d’individu indivisible avec une seule place et une seule unicité est très occidentale. Eux se considèrent multiples, ce sont des dividus, des personnes divisibles avec des traits de personnalité différents qui s’expriment tous à la même hauteur. Dans la danse, on cherche à se dépasser avec des sensations de toucher, d’écoute, de mouvements… Notre idée est que la personne du futur serait hyper connectée, hyper sensible, avec un accès instantané à ses sensations.

Dividus, nous questionne sur notre futur, sur nos empreintes…

à la fin du spectacle, nous avons certains éléments de réponse. Mais le rôle de l’art est avant tout de questionner. Quand j’ai demandé aux danseurs ce qui leur manquerait, j’ai été très étonné d’entendre que ce ne serait pas la danse mais surtout toute l’humanité autour. Le spectacle raconte le désir de se rencontrer, cette relation à l’autre, qui transpire et pulse en même temps que nous.

La scène se déroule dans une boîte blanche, comme un laboratoire de recherche…

Dans cette fiction, nos danseurs sont gardiens du souvenir, on les protège, dans cette pièce qui est comme un laboratoire. Je voulais que le public puisse visualiser, cet endroit, un théâtre, mais dans une époque différente, afin qu’il soit plus concerné par les enjeux.

Vous avez eu des expériences multiples,  cirque, danse, théâtre… Est-ce une façon de laisser plus de traces ou plutôt d’apprendre à se connaître soi-même ?

J’ai commencé la danse très tard, vers vingt ans. J’ai dû apprendre en autodidacte, mais au contact de plein de gens différents. Quand on réunit des gens très divers, le dialogue est plus facile. Ici, les danseurs viennent d’horizons multiples, il y a une émulation évidente. L’idée est d’aller à la rencontre de nouvelles choses pour se découvrir soi-même ou être déplacé dans l’univers d’autrui.

Emilie Palandri

Février 2022