Nina Santes: « au-delà des archétypes. »

Nina Santes est danseuse, chorégraphe et lauréate du Prix du Nouveau Talent Chorégraphique. Elle conçoit des spectacles interdisciplinaires mêlant danse, arts visuels et musique. On l’interroge à propos de son solo « Self made man » présenté au festival le 16 septembre.

 

Comment vous est venue l’idée de ce solo ?

Je suis issue d’une famille de comédiens et de marionnettistes et c’est dans cet univers que je suis arrivée à la création de spectacles. J’étais dans cette atmosphère avant de passer à la danse, de façon autodidacte puis en me formant. En 2013, mon grand père, qui était un exemple et une figure importante pour moi, est mort. Peu de temps après, j’ai fait un rêve dans lequel il me disait que je faisais du bon travail, mais qu’il était temps pour moi de devenir un homme et de faire quelque chose de mes mains. Ce rêve m’a beaucoup habité. J’ai pris ce rêve au pied de la lettre et j’ai crée « Self made man » en 2015.

En effet, pour la représentation, vous vous travestissez et devenez presque méconnaissable en changeant votre voix et votre allure. 

Pour ça, j’ai même rencontré Diane Torr, une des pionnières des mouvements drag-king. J’ai passé une semaine d’immersion avec elle afin de construire une altérité masculine. J’ai vécu comme un homme et ça a été une expérience très forte sociologiquement. J’avais l’impression de pénétrer l’autre face du monde. Pour déformer ma voix, j’ai travaillé à l’aide d’un micro et de pédales d’effets.  S’entendre parler avec une voix d’homme, ça génère un rapport de fiction avec son propre corps. La voix a toujours une grande importance dans mes créations. Je compose des travaux chorégraphiques qui lui laissent place. Ca m’a toujours troublée que les danseurs soient silencieux ! C’est surement lié à mes débuts de marionnettiste. 

Le fait d’incarner un homme vous a-t-il permis d’aborder la question du genre ?

Dans le milieu dans lequel j’ai évolué, cette question a toujours été là. Je n’ai pas eu l’impression de faire un solo qui y réponde. Pour moi, c’est un solo à l’intérieur duquel je construis une altérité hybride. Sur la question du genre, il y a quand même une masculinité toxique que j’essaye de détruire. C’est un processus de transformation de soi et c’est ce qui me fait passer par cette figure masculine. 

Vous construisez votre décor pendant la performance. Le plateau est alors conçu comme un espace hybride de fabrication. C’est dans l’idée de « faire quelque chose de vos mains » ?

Tout à fait ! Je voulais vraiment répondre à la double injonction de mon rêve, en construisant une maison sur scène. En plus, ma famille a toujours construit ses propres décors pour les marionnettes et c’est d’ailleurs comme ça que j’ai appris à faire des spectacles. Ce solo, c’est un peu une réflexion sur les pratiques de construction d’objets mais aussi de soi. Je voulais montrer notre dualité contradictoire qui nous pousse à construire puis à détruire. C’est avant tout un processus de transformation. Je construis un décor, mais aussi un espace sonore, en transformant ma voix. 

Est-ce que, depuis, vous avez fait une pièce qui interroge ou réponde à Self Made Man ?

Il y a une pièce qui y répond assez bien, c’est Hymen hymne, créée début 2018. Les spectateurs sont invités sur le plateau. La pièce questionne l’idée de pouvoir et de ce qu’on amène collectivement pour retrouver notre puissance d’agir. Maya Trufaut

 

Nina Santes sera présente le 16 septembre à 16:00 au Théâtre Liberté pour son spectacle de danse.

 

Visitez aussi le site web de Nina Santes et découvrez son travail.

 

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